Solaire : l'énergie renouvelable, le Juge et l'Architecte des Bâtiments de France

Publié le 12 octobre 2009 par Arnaudgossement

Le contentieux des éoliennes est déjà abondant : tel n'est pas le cas pour l'énergie solaire dont l'essor est certes plus récent. A noter cependant ce jugement rendu le 2 juillet 2009 par le Tribunal administratif de Grenoble (cf. commentaire de Mme Michalet, revue Env. 2009.102).

Le Jugement rappelle tout d'abord que des travaux de transformation d'un immeuble situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé au titre des monuments historiques ou inscrits doit faire l'objet d'une autorisation préalable de la part de l'autorité administrative compétente :

"Considérant que l'article L. 621-31 du Code du patrimoine dispose : « Lorsqu'un immeuble est situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé au titre des monuments historiques ou inscrit, il ne peut faire l'objet, tant de la part des propriétaires privés que des collectivités et établissements publics, d'aucune construction nouvelle, d'aucune démolition, d'aucun déboisement, d'aucune transformation ou modification de nature à en affecter l'as-pect, sans une autorisation préalable [...] Si cet immeuble est classé au titre des monuments historiques, l'autori-sation est celle prévue au premier alinéa de l'article L. 621-9. Si l'immeuble n'est pas classé, le permis de cons-truire, le permis de démolir, le permis d'aménager ou l'absence d'opposition à déclaration préalable tient lieu de l'autorisation si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord."

Au cas présent, l'Architecte des Bâtiments de France avait émis un avis défavorable sur une demande d'autorisation de pose de panneaux photovoltaïques sur la toiture d'une maison d'habitation située dans le champ de visibilité d'un chateau. A la suite de cet avis, le Maire de la commune s'était opposé à la réalisation desdits travaux.

"Considérant que, pour émettre un avis défavorable à réalisation des travaux envisagés par M. Monti sur une mai-son d'habitation située dans le champ de visibilité du château de la Murette, édifice inscrit à l'inventaire supplémen-taire des monuments historiques, l'architecte des bâtiments de France s'est fondé sur la circonstance que cette mai-son étant située aux abords immédiats du château, le mitage de la toiture par des panneaux photovoltaïques aurait un impact négatif fort sur son environnement et sa perception ; que, toutefois, il ressort des pièces versées au dos-sier par M. Monti que les panneaux photovoltaïques en litige seront particulièrement bien intégrées à la toiture et ne seront, par suite, pas de nature à affecter l'environnement du château de la Murette ; que c'est ainsi à tort que l'archi-tecte des bâtiments de France a donné un avis défavorable à la demande de M. Monti ; que, par suite, le maire de la Murette, qui ne se trouvait dès lors pas en situation de compétence liée, n'a pu légalement s'opposer à la réalisation des travaux déclarés en adoptant ce motif ; que, dès lors, M. Monti est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ; qu'il y a lieu de préciser, pour l'application de l'article L. 600-4-I du Code de l'urbanisme que les autres moyens invoqués ne sont pas susceptibles de conduire à l'annulation de cette décision ; (...)"

 Il résulte des termes du jugement que le Juge a substitué son appréciation à celle de l'Architecte des Bâtiments de France, estimant, au contraire de ce dernier qu'"il ressort des pièces versées au dos-sier par M. Monti que les panneaux photovoltaïques en litige seront particulièrement bien intégrées à la toiture et ne seront, par suite, pas de nature à affecter l'environnement du château de la Murette".

En conséquence, le Maire n'a pu légalement s'opposer à la réalisation des travaux d'installation de panneaux photovoltaïques par le requérant. Pour plus de détail, il convient de se reporter à la note trés intéressante d'Isabelle Michalet précité.

A noter : le projet de loi Grenelle 2 qui vient dêtre voté en première lecture par le Sénat comporte des dispositions afférentes à cette problématique.


Ainsi l'article 4 de ce projet de loi insère un article L. 111-6-2 au ode de l'urbanisme qui est ainsi rédigé :

« Art. L. 111-6-2. – Nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, le permis de construire ou d'aménager ou la décision prise sur une déclaration préalable ne peut s'opposer à l'installation de systèmes solaires thermiques ou photovoltaïques ou de tout autre dispositif domestique de production d'énergie renouvelable, à l'utilisation en façade du bois ou de tout autre matériau renouvelable permettant d'éviter des émissions de gaz à effet de serre ni à la pose de toitures végétalisées ou retenant les eaux pluviales. Les dispositions du présent alinéa ne font pas obstacle à ce que le permis de construire ou d'aménager ou la décision prise sur une déclaration préalable comporte des prescriptions destinées à assurer la bonne intégration architecturale du projet dans le bâti existant et dans le milieu environnant.

« Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables dans un secteur sauvegardé, dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager créée en application de l'article L. 642-1 du code du patrimoine, dans le périmètre de protection d'un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques défini par l'article L. 621-30-1 du même code, dans un site inscrit ou classé en application des articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de l'environnement, à l'intérieur du cœur d'un parc national délimité en application de l'article L. 331-2 du même code, ni aux travaux portant sur un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques ou adossé à un immeuble classé, ou sur un immeuble protégé en application du 7° de l'article L. 123-1-5 du présent code.

« Elles ne sont pas non plus applicables dans des périmètres délimités, après avis de l'architecte des Bâtiments de France, par délibération du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme, motivée par la protection du patrimoine bâti ou non bâti, des paysages ou des perspectives monumentales et urbaines. L'avis de l'architecte des Bâtiments de France est réputé favorable s'il n'est pas rendu par écrit dans un délai de deux mois après la transmission du projet de périmètre par le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme. Le projet de délibération est mis à la disposition du public en vue de recueillir ses observations pendant une durée d'un mois avant la réunion du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'établissement public.

« À compter de la publication de la loi n°  du   portant engagement national pour l'environnement, toute règle nouvelle qui, à l'intérieur d'un des périmètres visés aux deux alinéas précédents, interdirait ou limiterait l'installation des dispositifs énumérés au premier alinéa fait l'objet d'une justification particulière.

« Les dispositions figurant au premier alinéa de cet article sont applicables six mois après la publication de la loi n°   du   portant engagement national pour l'environnement. »

Ainsi, aux termes de cet article, le principe est que l'autorisation d'urbanisme ne peut s'opposer à l'équipement des immeubles vecteurs d'énergies renouvelabres.

Toutefois, ce principe ne s'applique pas dans des secteurs sauvegardés où l'Architecte des Bâtiments de France conserve sa compétence. Il faut se souvenir que certaines version de l'avant projet de loi Grenelle 2 prévoyaient une suppression de la procédure de sasine pour avis conforme de l'Architexte des Bâtiments de France.

Surtout, cet article 4 crée un nouveau zonage : les "primètres délimités" décidés par délibération du conseil municipal aprés avis de l'Architecte des Bâtiments de France. Il est à craindre que ce nouvel instrument ne devienne un instrument d'exclusion des sources d'énergie renouvelables en agglomération si l'acceptabilité sociale du solaire devaît connaître demain les mêmes difficultés que l'éolien aujourd'hui.

 (crédit photo Matubu - Flickr)