Européens et Asiatiques s'inquiètent du retour de la faiblesse du dollar, qui devrait persister à court terme. La correction des déséquilibres commerciaux américains est en jeu. La vigueur actuelle de l'euro n'est pas encore alarmante.
L'évocation, dans la nuit de jeudi à vendredi, d'une remontée des taux d'intérêt directeurs par le président de la Fed, Ben Bernanke, aura permis un rebond du billet vert. Il risque cependant d'être temporaire. Au grand dam des Européens, qui, la semaine passée, dans le sillage de la réunion des ministres des Finances du G7, à Istanbul le 3 octobre, ont dénoncé l'affaiblissement du dollar. Ils ne sont pas les seuls puisque les banques centrales des pays asiatiques se sont portées au secours du dollar pour éviter une trop forte appréciation de leurs propres devises.
Pourtant, ces évolutions de change n'ont rien de surprenant mesurées à l'aune des stratégies économiques des différentes nations et de la conjoncture. Alors que la fin de la récession mondiale se profile, les investisseurs ont retrouvé un appétit certain pour le risque, vendant de ce fait le dollar pour se porter sur des devises plus rémunératrices. La baisse du billet vert s'explique en partie par cette nouvelle configuration des marchés.
Réduire les excédents asiatiques
Sur un plan plus conjoncturel, la crise a remis en cause le modèle de croissance mondiale en place jusqu'ici. Le schéma voulant qu'un pays - les Etats-Unis - absorbe les exportations des pays d'Asie - en particulier de la Chine - n'est plus soutenable. D'autres relais de croissance doivent voir le jour. La Chine est particulièrement visée. Non seulement, les ministres des Finances du G7 ne cessent d'appeler à une réévaluation du yuan, qui reste « collé » au dollar depuis juillet 2008, mais ils souhaitent que la demande intérieure chinoise prenne en partie le relais du consommateur américain. Le Japon et les pays européens sont également appelés à dynamiser leur consommation. Le but est simple : réduire les excédents asiatiques en même temps que le déficit américain. Dans ce cadre, la baisse du dollar arrange plutôt les affaires des exportateurs américains même si elle ne saurait à elle seule résorber le déficit commercial américain.
Elle ne fait pas l'affaire des leaders politiques, européens ou asiatiques. Pour les Asiatiques, le souvenir de la crise de 1998 et ses effets dévastateurs sur leurs économies reste vivace. La stratégie visant à constituer un matelas de sécurité de réserves de change via une balance commerciale excédentaire reste d'actualité. La Chine, de son côté, s'est engagée à dynamiser sa demande intérieure sans céder sur la réévaluation du yuan, qui restera étroitement lié au billet vert. Au grand dam des Européens.
En effet, dans ce jeu de rééquilibrage, l'Europe ne compte pas. La raison : sa balance des comptes courante est plus ou moins à l'équilibre. Et la performance commerciale d'une Allemagne, championne du monde de l'exportation malgré le renchérissement de la monnaie unique, tend à prouver que les mouvements de change n'exercent pas autant d'influence que cela sur les exportations. L'un des gouverneurs de banque centrale du G7, européen, présent à Istanbul, assène même qu'il n'existe « aucune relation directe entre la baisse du dollar et une hausse des exportations américaines ». La vigueur actuelle de l'euro n'est pas encore alarmante. A l'Europe de dynamiser son potentiel de croissance, entend-on dire au sein des instances internationales. « Au lieu de se préoccuper de leur devise, les Européens auraient mieux fait de mettre réellement en place la stratégie de Lisbonne, qui visait à faire de l'Europe la zone la plus compétitive au monde d'ici à 2010 », remarquait un haut fonctionnaire du Fonds monétaire international à Istanbul.
Il n'en demeure pas moins que les ministres des Finances du G7 veulent à tout prix éviter un effondrement du billet vert. Son coût en serait trop important pour la Chine et le Japon principalement, leurs énormes réserves de change étant majoritairement investies en bons du Trésor américain. Non seulement un effondrement du dollar aboutirait à des pertes de change mais la remontée consécutive des taux d'intérêt servis par le Trésor américain pour attirer les capitaux étrangers aboutirait, elle, à des pertes en capital pour les deux pays. Si tel devait être le cas, guerre des changes et guerre commerciale en seraient la résultante.
Source du texte : LES ECHOS.FR