L'affaire Mitterrand divise aussi les homosexuels
Didier Lestrade - Blogueur | Dimanche 11 Octobre 2009 à 14:01Pendant que la droite et la gauche se déchirent sur la polémique Mitterrand, ici et là, des homosexuels s'élèvent contre l'amalgame implicite de l'affaire Mitterrand : le lien entre homosexualité et tourisme sexuel. Didier Lestrade regrette que la communauté homo ne soit pas saisie de la polémique pour débattre de ce sujet difficile.
Finalement, la défense de Frédéric Mitterrand sur TF1, à part celle de la dramatisation, fut de dire que toute cette affaire avait pour origine sa souffrance d’homosexuel. Il n’a pas dit que c’était l’homosexualité, mais nous sommes habitués à voir, à travers son éloquence, les mots qui nous intéressent. Plusieurs fois, il l’a répété, prétextant une certaine modestie, dans le genre « Je ne vais pas vous embêter avec mes histoires, mais… ». Alors, si Frédéric Mitterrand, en tant que privilégié social et culturel, utilise lui aussi la souffrance pour expliquer ses écarts de comportement, il est clair désormais que tout le monde a le droit de le faire. Si une folle (et chez moi ce mot n’a rien de caricatural) comme lui a souffert parce qu’en tant qu’homosexuel, il ne s’est jamais aimé, alors imaginez la souffrance d’un apprenti boulanger gay de 18 ans.
C’est un procédé que nous connaissons désormais trop bien. Les hommes politiques et les célébrités s’échangent le registre émotif de leurs interventions, pour attirer l’attention, et faire diversion. Ils utilisent la dignité et la vie privée pour revenir sur le devant de la scène, pour vendre des livres, ou tout simplement pour faire parler d’eux. Leurs éditeurs les encouragent à révéler ce qui est le plus borderline, car tout document doit désormais comporter un chapitre (en général le onzième dans le plan du livre) qui doit aborder le vrai sujet du caca. Un article récent du New York Times expliquait ça, mais il y a plein d’autres articles qui ont décortiqué cette recette, puisqu’elle est désormais internationale. Pendant ce temps, la politique avance, sous couvert de diversions médiatiques.
Donc les artistes du divertissement abordent des sujets graves tels que le viol, l‘inceste, la maltraitance, la maladie, la mort. Et les hommes politiques font la roue sur les plateaux télé, racontent des histoires qui les mènent dans l’intimité de Lady Di, ou à l’arrière-plan de Liza Minnelli. Le problème, comme le révèle Alessandra Stanley dans « Going all-out to stage a comeback » (30 septembre 2009), c’est que le prix à payer est de plus en plus élevé. C’est une inflation dans la révélation. En 2005, on trouve tout à fait remarquable de raconter qu’on est allé en Thaïlande pour s’amuser tout en ramenant une culpabilité flatteuse. En 2009, le voile tombe car, forcément, la Thaïlande n’est pas la destination rêvée quand on veut rencontrer des joueurs de boxe de 40 ans. Si c’est ça qu’on cherche, on va en Turquie et god knows que là-bas les lutteurs moustachus s’enduisent d’huile d’olive, c’est plus crédible.
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