Plus de 500000 entrées quand on googlise Polanski + Suisse. Depuis 15 jours, la polémique enfle de toute part. Pas un jour sans un « rebondissement ». De son arrestation à Zurich, aux révélations d'un accord financier passé avec la victime (dont personne ne peut affirmer le règlement, ce qui rend caduque l'utilisation de cette source), le feuilleton Polanski fait vendre.
La télé, sniffant l'aubaine d'audience, prépare des émissions sur les détraqués sexuels. Dans « Mots Croisés » ce lundi, Marine Le Pen, toujours prête à se souiller les mains pour gratter quelques voix, en a profité pour balancer des extraits choisis de La Mauvaise Vie de Frédéric Mitterrand, fait l'amalgame entre homosexualité, prostitution, pédophilie et l'on reparle alors de...Polanski, soutenu lors de son arrestation par ce même ministre (je cherche encore le lien car, à ma connaissance, Polanski est hétéro, et selon toute vraisemblance il n'est pas accusé de côtoyer des prostituées). Idem lors de « 7 à voir », où ça discute de viol, de récidive, de castration chimique et de ...Polanski, encore lui !
La presse musicale embraye, elle sur la sortie décalée de l'album d'Emmanuelle Seigner, à cause, paraît-il, d'un duo assez cul, ce qui lui permet de rebondir sur...Son Polanski de mari. Même l'Assemblée Nationale pense à se doter d'une loi d'imprescriptibilité concernant les violences sexuelles (loi en vigueur en Californie, ce qui explique pourquoi le ramdam Polanski dure depuis plus de trente ans).
En revanche, alors qu'on parle d'un réalisateur, pas un film n'est diffusé. Depuis 1977, à part réaliser des films (huit long-métrages au compteur), le franco-polonais n'a pas vraiment défrayé les chroniques judicaires (ni même mondaines). Les signataires de l'appel à sa libération (ça fait ricaner quand même de voir que certains de ceux qui ont apposé leur signature au bas de cette pétition ont aussi signé en faveur de l'adoption d'Hadopi, comme quoi, pirater un disque ça vaut de la taule, mais quand une fille est abusée par un réalisateur, la clémence serait de mise), ces signataires donc, feraient mieux de militer pour la diffusion de ses films. Quitte à juger de quelque chose, autant que ce soit de l'artiste et non de l'homme.
Polanski a couchaillé avec une mineure (il a reconnu les faits en 1977), ce n'est guère glorieux quand on a quarante ans. Il a profité d'une autorisation légale de quitter le territoire américain pour ne jamais y remettre les pieds, c'est pleutre, sans doute, mais facile de jeter la pierre quand on est vautré devant son poste à grignoter des Pringles. Le problème est que l'on assiste au glissement d'une affaire de justice vers un grand raout moral. Cette hystérie médiatique est obscène et contamine toutes les strates d'informations (presse politique, féminine, musicale, people...), aussi obscène que le montage en épingle d'un pauvre fait divers (le coupable est célèbre, mais les actes ne mériteraient pas plus qu'un entrefilet journalistique).
À force de confondre œuvre et artiste, morale et éthique, la démagogie prend lieu et place de la démocratie. On a les médias que l'on mérite, et si le comportement de Polanski est illégal, c'est à un juge d'en décider et sûrement pas aux téléspectateurs de cette mise en scène grotesque.