RENTREE LITTERAIRE 2009
Editions Grasset
Fiction et Histoire : l'un des grands thèmes de cette rentrée littéraire française : Laurent Mauvignier et la guerre d'Algérie,
Thierry Hesse et Yannick Haenel abordant la shoah et ...Sorj Chalandon et la résistance.
La légende de nos pères( sur la liste du Goncourt) interroge la mémoire et sa transmission des parents vers leurs enfants.
Le narrateur est biographe familial, il écrit la vie des gens simples à leur demande. Il écrit ce qu'ils lui racontent quelque soit la vérité ou le mensonge.
Quelques mois après la mort de son père, ancien résistant, homme
modeste qui n'a pas su ou voulu lui raconter son passé, il est contacté par une femme, Lupuline, qui souhaite qu'il écrive la biographie de son père.
Le vieil homme, d'abord réticent, accepte. Le face à face entre les deux hommes commence, fait de respect et de crainte mutuels.
Au fil des entretiens, le narrateur découvre le journal intime de Lupuline, qui, petite fille, écoutait les histoires héroïques de son père. Le narrateur, lui, en profite pour faire revivre les
héros méconnus et son père, qui comme il le dit, l'a laissé sans mémoire, sans empreinte.
Une biographie familiale qui prend des formes d'hommage posthume à son père...
Un récit très sobre et poignant, questionnant la mémoire. Le récit nous réserve bien des surprises en prenant un tour inattendu.
Une écriture très simple, aux phrases très courtes, des descriptions qui tentent de trouver le mot juste, sans fioriture aucune, ni sentimentalisme.
Car, à travers cette histoire, Sorj Chalandon interroge son art, l'acte d'écrire : le rapport vérité/mensonge, Histoire/fiction, fidélité/trahison mais aussi réflexion sur la recherche
du mot juste.
Un bel extrait :
"Je suis sorti au crépuscule. Je marche parfois la nuit pour recueillir un mot. J'ai regardé le ciel au dessus de la grand place. Un ciel de juin avant l'orage. je me suis demandé si je
pouvais écrire le ciel sans autre mot que ciel. Comment décrire cet état de lumière. Comment approcher l'évident, le simple, des feuilles qui frissonnent. Parce qu'écrire frissonner, c'est déjà
s'éloigner de la feuille. Elles ne frissonnent pas les feuilles. Elles font tout autre chose que ce qu'en dit le vent. Elles ne bougent pas, ne remuent pas, ne palpitent pas. Elles feuillent, les
feuilles. Elles font leur bruit, sans autre mot. Et le ciel, il nuage. je me suis dit, qu'un matin, au réveil, il me faudrait pour Beuzaboc quelque chose de Tescelin. Ne pas le dégrader par un
prêt-à-écrire, mais prendre ses mesures et coudre un mot pour lui"
A signaler également, sur le thème de la résistance, le roman Le tombeau de Tommyd'Alain Blottière, consacré à Thomas Elek, juif hongrois membre des FTP-MOI
(Main d'oeuvre immigrée), lui aussi sur la liste du Goncourt...