Photo cor. NR, Aurat
« Cette voiture qui m’a fauché a tout changé. »
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Autorisation du 03.02.2005
LES CYCLES D'UNE VIE
Vainqueur hier, Samuel Plouhinec a un parcours original. Passé trois fois pro, gravement blessé, il a été sacré champion de France à 20 ans comme à 33 ans.
Il avait rendez-vous avec sa destinée. Cela s'est rapidement transformé en adversité, en parcours accidenté, et, finalement, en fatalité. Samuel Plouhinec n'a pas de rancœur, non. Philosophe, presque apaisé, il concède simplement que son « parcours a vraiment été atypique. Mais c'est comme ça… » Des regrets ? « Très peu. Je suis encore super heureux sur un vélo. Et je suis chanceux, même, de pouvoir encore, à 33 ans, faire le métier que j'ai toujours voulu faire. » Même chez les amateurs. Et de surcroît avec un maillot de champion de France sur le dos. Comme un nouveau cycle, peut-être le dernier, d'une vie de cycliste singulière. Mouvementée, pour ne pas dire baroque.
Samuel Plouhinec avait donc rendez-vous avec sa destinée. Celle d'un coureur doué, sacré champion de France espoirs, et passé pro à 20 ans chez Cofidis. « Sauf que lors de ma deuxième année, en 1999, en m'échauffant sur le prologue du Tour de l'Ain, une voiture m'a fauché. J'ai été dans le coma… On m'a raconté que la voiture m'avait véritablement foncé dedans. J'ai eu sept ou huit fractures, j'étais cassé ! » Premier retour chez les amateurs. Première reconstruction. Elle durera six mois.
« C'est simplement le temps qui m'a aidé. » Le moral revient, le physique aussi. Et le revoilà reparti vers le professionnalisme, direction l'équipe Jean Delatour.
« La première année, tout s'est bien passé, j'ai même gagné une étape sur le Tour de l'Ain, là où mon accident avait eu lieu. Mais ça s'est gâté la deuxième saison. Musculairement, j'ai eu pas mal de problèmes, comme si des restes de ma blessure réapparaissaient. » Samuel Plouhinec se souvient par exemple « d'un Dauphiné libéré, que j'ai fait sur une jambe tellement je souffrais. »
Son aventure chez les pros s'achève alors une deuxième fois. L'amateurisme le conduit jusqu'à Aix-en-Provence. Le temps de se refaire une condition (deux ans), puis de repartir vers le grand bain. L'équipe Bretagne-Jean-Floc'h fait alors appel à lui. Il retrouve même les chemins de la victoire, toujours sur le Tour de l'Ain (2005), avant de signer chez Agritubel. Sauf qu'encore une fois, l'infortune le rattrape. « Ma participation au Tour de France était acquise. Mais je me blesse à la hanche une semaine avant, sur les championnats de France. J'étais mal, je traînais ma souffrance, et j'ai fini par abandonner sur la 12e étape du Tour. »
En 2007, son contrat avec Agritubel touchant à sa fin, il s'engage avec le Team Wilo Agem 72. Dernier ascenseur, ultime descente à l'étage du dessous. « Cette équipe a le projet de monter une structure Continental. J'encadre les jeunes, et je gagne même des courses ! » Vingt-trois, cette saison, après celle d'hier. « J'avais fait mieux en juniors, avec vingt-quatre ! » sourit-il. C'était le temps où les félures du destin n'avaient pas encore œuvré. Où Samuel Plouhinec était « l'un des meilleurs espoirs » de sa génération.
“ J'entrerai alors
dans Le Livre
des records… ”
Plus de quinze ans plus tard, passées ces épreuves, ces blessures, le voilà champion de France amateurs, presque insatiable. « Et je préfère gagner beaucoup de courses en amateurs, rester en haut de l'affiche, que de galérer chez les pros. » Au fond, qu'aura-t-il manqué à ce coureur pour connaître un parcours linéaire ? « Peut-être de la chance. La voiture qui m'est rentrée dedans a tout changé. Si je n'avais pas eu cet accident, ça aurait été différent. Je ne dis pas que j'aurais gagné le Tour, mais j'aurais pu faire une carrière honnête. » A 33 ans, sa course contre l'adversité semble (presque) jouée. « Mais si l'équipe passe en Continental, je serai de nouveau pro. Et si je devais passer une quatrième fois pro, j'entrerai alors dans Le Livre des records… » Pour un nouveau cycle d'une vie.
Gaspard Brémond
sports.blois@nrco.f