Alain Finkielkraut pris en flagrant délit d'internetophobie

Publié le 10 octobre 2009 par Roman Bernard
Alain Finkielkraut était hier matin l'invité de Nicolas Demorand, sur France Inter. L'animateur a pu l'interroger sur la polémique du moment : la double affaire Polanski (je n'ose écrire « Roman »)—Frédéric Mitterrand. Peu disert sur les faits qui sont reprochés au second, le philosophe s'est en revanche étendu sur ceux prêtés à Polanski : pour Finkielkraut, les relations sexuelles illicites dont Polanski est accusé concernaient une adolescente (elle avait 13 ans au moment des faits, en 1977, et était donc une teenager), qui posait nue dans Vogue Homme. Alain Finkielkraut n'est pas loin de dire qu'elle l'avait bien cherché. Il ajoute que Samantha Geimer, 45 ans aujourd'hui, a retiré sa plainte, n'a pas voulu de procès public, et a en plus obtenu réparation. Seul argument valable dans son inventaire, le fait que Polanski ait toujours nié le viol, et doive donc être présumé innocent.
Finkielkraut rappelle aussi que Polanski est un survivant du ghetto de Cracovie, que sa mère a été déportée et tuée par les nazis, qu'il a vécu l'enfer du communisme et que son épouse enceinte, Sharon Tate, a été assassinée en compagnie de quatre de ses amis, en 1969. Étrange de la part de ce pourfendeur de la « culture de l'excuse ».
Il y avait déjà de quoi être consterné par ces déclarations, surtout de la part d'un intellectuel pour lequel j'ai exprimé ma sincère admiration.
Mais Alain Finkielkraut a également tenu à instruire le procès d'Internet, un média dont il reconnait pourtant ne rien savoir, se refusant catégoriquement à l'utiliser.
J'ai extrait de la vidéo trouvée sur French Carcan un florilège de ses accusations à l'encontre des internautes, décrits comme les nouveaux antidreyfusards :
« C'est toute la planète Internet qui est devenue comme une immense foule lyncheuse. » (0'53"-0'59")
« C'est parce que [Polanski] est un artiste que la foule des internautes se déchaîne contre lui. » (2'52"-2'56")
« Cette fureur de la persécution [est] aggravée par l'immédiateté d'Internet » (3'18"-3'28")
« Certains internautes vous expliquent aujourd'hui que les mêmes artistes qui veulent mettre en prison des enfants qui téléchargent illégalement les violent ou sont les complices des violeurs. » (3'40"-3'52")

Pour un homme rétif à Internet, Finkielkraut est manifestement très bien informé.
On a pourtant envie de lui demander : qui donc est devenu une immense foule lyncheuse, déchaînée dans sa fureur de persécution, lors de l'affaire Ha'aretz, en 2005 : les internautes, ou la presse écrite, la radio, la télévision ? Qui furent les Justes qui l'ont défendu à l'époque : les médias dominants, ou bien les internautes anonymes ?


Roman Bernard

À lire aussi : « Finkielkraut n'a pas changé d'avis sur la pédophilie depuis 1977 », de Jean Robin.