On aurait tort de se fier à l'aspect « décomplexé » de nos sociétés. A quelques centimètres sous la surface radieuse de nos « libertés retrouvées » rôdent les monstres prédateurs de l'homophobie haineuse, de l'ordre moral castrateur, du dogme dépersonnalisant, et de l'aspiration mortifère à un retour aux boucs émissaires moyenâgeux.
Pour prêcher cette glauque doctrine avec l'air de ne pas y toucher, il faut en habiller le spectre de la plus perverse mauvaise foi, déformer le sens des mots, travestir les concepts, se livrer aux amalgames le plus outranciers, et faire passer des vessies pour des lanternes avec des accents de sincérité auxquels travaillent de doctes « spécialistes en communication ». La propagandastaffel a changé de nom, mais elle se serait plutôt perfectionnée depuis Goebbels.
On connaissait le « Juif responsable de tous les maux », épaulé après la guerre par « l'Arabe voleur », on a rapidement vu arriver le "socialo-communiste assisté" et " l'homosexuel-violeur- pédophile".
Jacques Myard, député UMP, a même poussé l'amalgame jusqu'à la zoophilie lors du vote du PACS en novembre 1999. (Sans parler de Pierre Lellouche, actuellement ministre, qui voulait, lui, stériliser les homosexuels)...
http://therealscandy.free.fr/humeur/proposhomofob.htm
Aux Etats Unis, on voit des communistes partout, en Europe, on voit des pédophiles.
Pour reprendre le problème au début, il convient de rappeler que « la pédophilie » est inconnue dans notre code pénal, qui ne connaît que « les mineurs de moins de quinze ans » et laisse aux juges le soin d'apprécier au cas par car la gravité des actes qui lui sont présentés. On conteste aux mineurs la capacité de « consentement éclairé » alors que c'est, devant certaines inégalités de la nature, le seul critère qu'on pourrait équitablement retenir. Pour ma part, à douze ans, je savais bien ce que je voulais, et j'allais pour l'obtenir tirer les sonnettes de messieurs que je terrorisais attendu qu'à l'époque, l'âge du consentement était, pour les homosexuels, fixé à 21 ans! Mais c'est de douze à vingt et un ans que j'ai vécu, avec un homme à cheveux blancs, la relation affective la plus durable de mon existence.
La pédophilie n'est donc pas une notion judiciaire, mais une notion médicale, qui désigne, dictionnaire à l'appui, « un désir sexuel pour des enfants impubères ». Autant dire que, même si cela, hélas, existe, c'est tout de même assez rare, et que la plupart des « délinquants sexuels » pourtant qualifiés "d'odieux pédophiles" n'ont commis que des « attentats à la pudeur » avec des « mineurs de moins de quinze ans » en général pubères....
Traiter de pédophile des Polanski ou des Frédéric Mitterrand n'a aucun sens, et ne révèle en réalité, au choix de l'auditoire, que l'incompétence ou la mauvaise fois de l'imprécateur.
Cette manie stupide d'imaginer que les enfants sont, jusqu'à leur « majorité sexuelle » (15 ans révolus en Europe) complètement irresponsables de leurs désirs et de leurs pulsions n'est que l'aboutissement de cette volonté narcissique de parents bornés et d'éducateurs aux ordres d'élever leur progéniture « au moule », d'en faire des clones , des perpétuateurs de statu-quo, bien vaccinés contre toute tentation progressiste, tant pour protéger l'illusoire sécurité induite par une société qui ne va pas bouleverser les vieux en évoluant trop vite que pour ménager la susceptibilité de parents jaloux de voir leurs rejetons profiter de plaisirs et de prérogatives qui leur étaient interdits aux mêmes âges.
Et après, on s'étonne que tant de velléités frustrées et étouffés dans l'œuf produisent des malaises, des fuites en avant vers des looks bizarres, des contre-cultures ou des paradis artificiels, des fugues et des suicides. Voire des viols. On récolte ce qu'on sème.
A lire, entre autres sur le sujet:
http://www.leseditionsdeminuit.com/f/index.php?sp=liv&livre_id=1619
malheureusement épuisé.
Car le livre de Mitterrand, « La mauvaise vie », si on vraiment lit ce qu'il contient, est le tragique aveu d'une faiblesse qui pèse à son auteur, même si la solitude affective dont tant d'homosexuels se plaignent n'est pas le fait de leur homosexualité en tant que telle, mais bien de l'isolement qui résulte de leur difficulté à s'intégrer dans une société toute entière organisée autour de l'hétérosexualité. Ce livre n'a rien d'une apologie, bien au contraire.
Lorsque le livre est sorti, il y a quatre ans, il a reçu une critique favorable et un accueil public enviable. (200 000 exemplaires en six mois). Personne n'y a trouvé à redire tant que Frédéric Mitterrand n'est pas devenu ministre. Certains trouveront étrange que je défende un ministre de droite d'un gouvernement sarkozien... Je ne défends qu'un honnête homme en proie à une vindicte populiste.
En lisant le drame d'une vie, l'égérie du Front National a choisi la stratégie du « bite-couille » pour illustrer ses accusations. Si au lieu de citer un morceau choisi, qui, extrait de son contexte, sert le côté partial de son réquisitoire, elle avait lu le paragraphe entier, on aurait entendu tout autre chose.
Voici la page du livre de Frédéric-Mitterrand:
« La plupart d'entre eux sont jeunes, beaux, apparemment épargnés par la dévastation qu'on pourrait attendre de leur activité. J'apprendrai plus tard qu'ils ne viennent pas tous les soirs, sont souvent étudiants, ont une petite amie et vivent même parfois avec leur famille qui prétend ignorer l'origine de leur gagne-pain. [...]
Je m'arrange avec une bonne dose de lâcheté ordinaire, je casse le marché pour étouffer mes scrupules, je me fais des romans, je mets du sentiment partout, je n'arrête pas d'y penser mais cela ne m'empêche pas d'y retourner. Tous ces rituels de foire aux éphèbes, de marché aux esclaves m'excitent énormément. La lumière est moche, la musique tape sur les nerfs, les shows sont sinistres et on pourrait juger qu'un tel spectacle, abominable d'un point de vue moral, est aussi d'une vulgarité repoussante [...]
La profusion de garçons très attrayants, et immédiatement disponibles, me met dans un état de désir que je n'ai plus besoin de refréner ou d'occulter. L'argent et le sexe je suis au cœur de mon système, celui qui fonctionne enfin car je sais qu'on ne me refusera pas (...) La morale occidentale, la culpabilité de toujours, la honte que je traîne volent en éclat ; et que le monde aille à sa perte, comme dirait l'autre »
Or ce n'est que le dernier paragraphe que Marine Le Pen a choisi de lire à la télévision. « Difficile de faire plus long » répondra-t-elle sans doute dans l'élan de sa mauvaise foi. Peut-être, mais il était facile de mieux choisir.
Après être venu aboyer avec les loups, Benoît Hamon, porte parole du Parti Socialiste, vire au fond de l'impasse et tente d'en ressortir en déclarant que « de toute manière, l'affaire laissera des traces ».
S'il veut rester crédible, il faudra que le Parti Socialiste se trouve un porte-parole qui ne se précipite pas comme un morfal sur la mangeoire du populisme sans regarder au préalable qui est venu y jeter une fourchée d'avoine.
Après les loups, les vautours: le Quotidien de la Réunion veut porter le coup de grâce au pédé blessé et révèle maintenant que Frédéric Mitterrand s'est porté caution morale pour un accusé dans une affaire de viol qui sera jugée prochainement. Si la procédure prévoit la « caution morale », c'est précisément pour que de braves gens puissent contribuer à la défense de présumés coupables. Ce n'est que le fonctionnement de la justice, cela n'entache ni la notoriété des cautions ni l'équité du procès. Pour ma part, j'ai déjà été caution morale d'un pauvre garçon devenu assassin. (d'un tortionnaire qui l'avait séquestré).. Je n'ai jamais eu le sentiment d'être le complice d'un meurtrier, je suis juste venu éclairer la justice sur ce que je connaissais de ce garçon pour l'avoir fréquenté avant ce jour tragique.
Au moyen-âge, on venait cracher sur des malheureux cloués au pilori sans même se soucier de savoir ce qu'il leur était reproché. En crachant dessus, en leur jetant des ordures et en leur donnant des coups, on se libérait des petites culpabilités qu'on ne voulait pas assumer. Le principe même du bouc émissaire. Haro sur Frédéric Mitterrand, on lui fait expier son nom.
Ajouté à la privatisation d'un nombre croissant d'institutions (ce qui devient le cas en France), cela donne des affaires comme celle-ci:
http://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique/des-juges-corrompus-remplissaient-des-prisons-privees-americaines_741538.html
Alors, pour expliquer l'acharnement des juges américains à poursuivre Polanski trente deux ans après les faits, il faudra trouver autre chose que leur indépendance... Rappelons qu'en Europe, la prescription pour un crime est de trente ans, et que Polanski a soixante seize ans...
Comme explique Caroline Fourest dans le Monde: La liberté sexuelle n'est pas le viol.
http://www.lemonde.fr/opinions/article/2009/10/09/la-liberte-sexuelle-n-est-pas-le-viol-par-caroline-fourest_1251725_3232.html
Une fois le caca jeté dans le ventilateur, il faut en gérer les éclaboussures. Où l'accusation d'homosexualité mâtinée de pédophilie est passée, l'herbe ne repousse pas. Ou pas bien.
A force de vouloir copier l'Amérique, on en attrape toutes les défauts mais on en néglige les qualités. Car si l'Amérique est le pays du « Clintongate », elle est aussi celui du « Watergate ».
Nous voilà contaminés par le « Clintongate », mais l'éventualité d'un « Watergate » reste chez nous de plus en plus inimaginable.