Mariage à l'indienne

Par Liliba

Kavita DASWANI

Présentation de l'éditeur
" A deux jours de son dixième anniversaire, ma grand-mère était déjà mariée. Ma mère, elle, avait trouvé un mari à vingt ans. J'en avais conclu que si l'on gagnait ainsi dix ans à chaque génération pour arriver à l'âge idéal du mariage, à trente ans au plus tard j'aurais dû trouver un conjoint. Mais, à trente ans, j'étais à mille lieues de convoler, d'où la consternation de chacun au mariage de ma cousine Nina. " K. D.

Née à Bombay, devenue journaliste de mode à New York, Anju est écartelée entre son envie de vivre à l'américaine, célibataire et libre, et son désir de rester fidèle à ses racines indiennes pour ne pas décevoir sa nombreuse famille.

Un livre qui peut faire partie de la Chick Litt de Calepin, mais que j'ai lu très rapidement et avec beaucoup de plaisir. L'Inde est un pays sur lequel j'ai déjà lu plusieurs ouvrages qui m'ont tous beaucoup intéressée tant ce pays est riche : culture, religion, mode de vie, traditions, tout y est si différent de chez nous et également si exacerbé, démesuré que cela me fascine. Ce roman ne prétend pas faire de vous une érudite sur l'Inde et ses traditions mais on y découvre tout de même les us et coutumes face au mariage. Certes, il n'est question ici que des traditions d'une caste en particulier, celle des privilégiés qui allient éducation, culture, ouverture d'esprit et au monde extérieur et bien sûr la réussite dans les affaires qui permet un train de vie particulièrement opulent et vous ne pourrez pas prétendre en refermant le livre tout connaître sur la façon de convoler en justes noces de ce pays, fort différente de la notre. Fort différente ? A voir...

Anju, donc, provient de ce milieu ultra privilégié. Elle a pu grandir en étant très protégée par sa famille et en recevant la meilleure éducation qu'on puisse donner à une jeune fille de bonne famille. Mais elle a pu également faire des études et surtout travailler et partir à l'étranger, ce qui est loin d'être le cas dans toutes ces familles, surtout pour une fille. Ses parents, bien que veillant sur les traditions et les suivant scrupuleusement, la laissent gagner la lointaine "Umrique", comprenant que leurs efforts pour marier leur fille continueront à s'avérer vains si elle reste à Bombay.

Car les parents de Anju n'ont qu'un but dans la vie : bien marier leurs enfants. Cela sous-entend faire un mariage arrangé par les familles respectives en ayant considéré toutes les conditions requises pour que fonctionne ensuite ce mariage : même milieu, même religion bien évidemment, même statut social et niveau de richesse. Il faut que les deux jeunes gens (les plus jeunes possible, après 20 ans, une fille est déjà presque vieille fille, et un garçon peut attendre jusqu'à 25 ans, mais pas plus !) soient bien éduqués, n'aient pas de "mauvaises habitudes", soient respectueux des traditions inculquées et surtout qu'ils acceptent, après une ou deux entrevues, d'épouser le ou la parfaite inconnue qu'on leur présentera...

"Maman, je veux simplement être heureuse. Beti, répliqua-t-elle, je ne veux pas que tu sois heureuse. Je veux que tu sois mariée."

Mais Anju semble avoir le mauvais oeil. Elle refuse les quelques demandes qu'on lui fait quand elle est encore jeune, et ensuite attend désespérément de recevoir d'autres demandes... Sa mère s'affole, cours les gourous, les devins, les recettes improbables de bonne femme pour que viennent enfin la chance, la demande salvatrice, mais rien n'y fait : Anju vieillit inexorablement et est toujours fille. Elle part donc aux Etats-Unis sous prétexte qu'elle trouvera là-bas nombre d'Indiens éduqués et ouverts d'esprit, mais néanmoins attachés à leurs traditions natales. Ce qu'est la jeune fille, et c'est cette ambivalence de son caractère qui est intéressante : elle est moderne, part seule au bout du monde dans le pays de la perdition, se lance dans des études, trouve du travail et arrive même à avoir un sacré bon job (attachée de presse dans la mode) qui la fait voyager et rencontrer moults gens célèbres, tout cela à New-York. Mais elle reste désespérément (et assez incompréhensiblement pour moi) attachée aux traditions les plus ancrées : pour elle, pas question d'imaginer un mariage autre qu'arrangé par ses parents... et dans le même temps, elle refuse les quelques rares candidats qu'on lui propose (il faut dire que ce ne sont pas les plus reluisants !).

"J'étais étrangement attirée par le système séculaire du mariage arrangé. J'y voyais une forme d'exotisme, de la noblesse, de la délicatesse - de quoi m'élever au sommet de la bonne conduite sociale : une jeune fille épouse l'homme que les membres de sa famille ont choisi pour elle. Acte de piété suprême, source d'innombrables bénédictions, si l'on en croit la tradition."

Bref, je ne vous raconte pas tout pour vous laisser un peu du plaisir de la découverte de la trépidante recherche de l'homme idéal... Ce livre m'a beaucoup amusée, d'autant plus qu'il m'a pas mal rappelé... mes jeunes années ! Non, je ne suis pas indienne et je n'ai pas effectué cette course folle au mariage sous la bienveillante attention de mes parents, mais j'ai tout de même à une certaine époque pas mal senti de pression sur ma petite personne. Les mariages des jeunes cousines furent souvent un calvaire, comme c'est le cas pour Anju, avec les inévitables questions des tantes tout sourire : "alors, ma belle, et toi, tu en es où, une belle fille intelligente comme toi, hein, il ne faudrait pas trop attendre...". Tic tac, tic tac, horloge biologique en route, famille aux aguets, présentations glauques de potentiellement possibles, espoirs déçus... bref, je ne vais pas vous faire pleurer sur ma jeunesse perdue, mais j'ai trouvé quelques similitudes (raisonnables tout de même) dans la pression qu'on peut ressentir quand on vient d'un certain milieu et qu'il est temps de "prendre homme". Eh oui, même en France il y a 10 ans... Sauf que moi je suis une rebelle et que je n'ai pas fait tout à fait ce qu'on attendait de moi (enfin, comme dit mon frère bien intentionné, j'ai fait ce que j'ai pu...). Je me suis mariée à 30 ans avec un roturier au chômage, divorcé, cuisinier de son métier, faisant des blagues à deux balles et... résidant à Roubaix (de tous les critères, je ne sais pas lequel était le pire...) ! Mon cher Papa a eu un peu de mal à s'y faire (il y a mis quelques années, même !). Maman quand à elle était ravie de me caser (enfin !) et de pouvoir parler recettes avec son futur gendre, ouf ! Et moi, douze ans plus tard, je ris toujours aux blagues de mon homme qui bosse comme un fou pour le bien-être de sa petite famille, je me suis mise à aimer le Nord (enfin, là il fait un temps vraiment dégueu, mais bon...),  je suis passée du Bottin Mondain au Livre des Familles sans en faire tout un plat, et je reste très heureuse de mon choix !

"Certains disent qu'on trouve l'amour quand on arrête de le chercher. Ils disent que dès l'instant que vous vous donnez dans votre travail, que vosu avez des amis, des centres d'intérêt autres que la vie sentimentale, alors l'homme ou la femme de vos rêves entre en gambadant dans votre vie.

Pour moi, ils ont tort.

En fait, quand vous cherchez l'amour, vous ne pouvez jamais vous arrêter. La possibilité de le renconter plane sur chaque invitation à dîner, chaque cocktail, chaque avion, train ou bus. Elle est suspendue au-dessus de vous chaque fois que vous assistez à un mariage, que vous prenez un cours de langue ou que vous choisissez une table près de la fenêtre dans votre restaurant préféré. Son parfum nous appâte à chaque coin de rue. Ca pourrait arriver demain. Ca pourrait arriver aujourd'hui."

Je remercie Le livre de Poche pour m'avoir envoyé ce livre très distrayant (et instructif).

Si vous voulez, ce livre peut voyager jusqu'à chez vous, il suffit de m'envoyer un mail avec votre adresse !