7 questions à l'écrivain Sorj Chalandon

Publié le 10 octobre 2009 par La_liseuse

Sorj Chalandon fait parti de ces auteurs dont je sais que je vais suivre de près la carrière d'auteur.  Emue par l'écriture et l'émotion qui émanait de Une promesse  - prix Médicis 2006 -, j'ai depuis lu Mon traître puis son dernier livre La légende de nos pères qui est l'objet de ma dernière chronique. Ancien journaliste et reporter de guerre, ses romans sont imprégnés de ses rencontres passées. Ses reportages sur l'Irlande du Nord et le procès Klaus Barbie lui ont valu le prix Albert-Londres en 1988 (source Grasset). A travers 7 questions, Sorj Chalandon nous livrent quelques confidences sur son travail d'auteur. Un grand merci à lui pour le temps accordé.

1.Après une belle carrière passée dans le journalisme, parlez-nous un peu de votre parcours d’écrivain. Quel a été le déclic qui vous a amené à écrire des romans ? Le petit bonzi (2005), Une promesse (2006), Mon traître (2008) puis La légende de nos pères (2009).


En fait, je n’ai jamais eu la rage d’écrire car mon métier était celui-là. Ecrire faisait partie de ma vie depuis que je suis entré à Libération, en 1973. Mais une chose me manquait dans l’écriture, c’était la fiction. Le journaliste est guidé par les faits, par l’actualité. J’ai eu envie de quitter cette géographie rassurante et contraignante. Etant bègue enfant, je m’étais juré de raconter un jour la détresse d’un gamin aux mots clos. Ca a été « Le Petit Bonzi ». Les autres textes ont suivi. Mais sans Bonzi en détonateur, rien n’aurait été fait.


2. Votre expérience de journaliste vous sert-elle de base pour dépeindre des lieux, des gens, des faits ? Utilisez-vous la même méthode d’annotations que votre héros Marcel Frémeaux ?


Absolument. La page de droite de mes carnets journalistiques était consacrée aux faits purs : interview, prise de notes, descriptions. Celle de gauche aux impressions, aux sensations, aux rêveries. J’interrogeais un homme. Ce qu’il disait allait à droite. Son regard, ses gestes, ses vêtements, ses manières, à gauche. Je me servais peu des mots de gauche mais je savais que j’y puiserais quelque chose un jour.


3.La légende de nos pères, votre dernier roman sorti en août aux éditions Grasset évoque la résistance et ses combattants de l’ombre. Quel a été l’élément déclencheur de ce récit ? Un fait divers, un événement personnel ou tout cela en même temps ?

La légende est un roman pur. Depuis toujours je suis hanté par l’esprit de résistance. J’ai couvert le procès Barbie, à Lyon. Ecoutant les Résistants qui venaient raconter le criminel de guerre nazi, je remplissait mes pages de gauche avec frénésie. Depuis mon enfance, je lis les noms sur les plaques, les monuments. Je me sens redevable. La Légende est le mélange de tout cela : un hommage et l’expression du désarroi.

4.Dans la majorité de vos livres, le doute et la trahison sont des thèmes inextricablement liés à ceux de la fraternité et de la mémoire. Est-ce une volonté de votre part de vouloir créer des personnages pas vraiment noirs mais pas vraiment blancs non plus ?

Certainement. Je vis, je pense entre gris clair et gris foncé. Je ne juge pas. Je n’explique pas les hommes, je les écoute, je les regarde, je vais au plus près. Et surtout, surtout, je sais ce qu’il y a dans mon ventre. Nous avons tous un monstre en nous. Notre devoir est de le faire taire. Certains y parviennent, d’autres renoncent. La mémoire est une zone grise que la fraternité peine à illuminer.


5. Avec la révélation finale, Beuzaboc a surpris son monde le jour de ses 85 ans. Qu'est-ce que son acte représente à vos yeux ?
 

Un acte de résistance. Le premier. Enfin.

6.Votre écriture est très personnelle, spontanée et tout autant identifiable. Lui avez-vous trouvé quelque évolution depuis Le petit bonzi ?

J’ai envie pour chaque texte une écriture propre. La base restera la couleur, la musique, le rythme de mes mots, mais je veux qu’ils évoluent en fonction de l’histoire. Une promesse est une histoire lente. Mon traître une course essoufflée. Je ne pouvais écrire l’une comme l’autre. Mais je garde à l’esprit, toujours, le fait d’aller à l’os des mots. De débarrasser les phrases des vêtements empesés. Je les veux nues, donc fragiles, donc proches du murmure.


7. Au salon du livre de Fuveau en septembre dernier, vous avez confié ne pas en avoir terminé avec l’histoire de Mon traître. Serait-ce le sujet de votre prochain livre ?


C’est une envie, oui. J’ai commencé quelques pages. Dans Mon traître, le narrateur était un jeune français qui rencontrait la guerre d’Irlande et l’aimait jusqu’à s’y engager. Je souhaite bousculer ce livre par son contraire. La même histoire, mais racontée par Mon traître. Ce sera, ce serait un exercice difficile et douloureux. Je donnerais la parole au pire, pour qu’il puisse enfin répondre à mes questions.
Liste des écrivains interviewés :
 
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Jean-Pierre Paumier (Les pîtres selon Luc)
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Jean-Michel Thibaux (L'or du forgeron)

- Armand Cabasson (La dame des MacEnnen)