►"Avertissement : certaines scènes peuvent être susceptibles de heurter la sensibilité des jeunes spectateurs." Quelles scènes ? Une seule en réalité, un seul plan même, celui
– je ne vais pas vous le cacher plus longtemps – du foetus mort abandonné sur le carrelage de la salle de bains. Rassurez-vous, rien de traumatisant ici : très peu de sang, seulement
une mignonne poupée de latex à forme plus ou moins humaine enveloppée dans un torchon. Une question se pose : pourquoi donc cette "provocation" ? D'autant plus que le cinéaste, Cristian
Mungiu, se permet d'insister lourdement sur ce fameux plan, sans autre raison apparente que la provocation. Le problème est en réalité tout autre : l'ambiguïté du point de vue du réalisateur
apportée tout d'un coup par ce simple mais signifiant plan.
À ce stade, il nous faut commencer par le commencement :
4 mois, 3 semaines et 2 jours parle, vous l'aurez compris, d'avortement. Pas dans n'importe
quel contexte : Roumanie, 1987, l'époque du règne du dictateur Ceauşescu. À cette époque, l'avortement y est interdit (tout comme la contraception) mais il se pratique tout de même, bien sûr, en
toute illégalité. Ici, on s'intéresse à une jeune étudiante, tombée enceinte contre sa volonté, et qui veut avorter. Seulement elle ne sait pas ce qui l'attend. Car l'avortement clandestin est
aussi cruel et insalubre que l'est la Roumanie de cette époque.
Cristian Mungiu réalise donc une critique mordante de la Roumanie de Ceauşescu, dévoilant à travers de très beaux plans séquences, tout en profondeur, la misère qu'il y
règne. On pourrait (très logiquement) penser que le cinéaste critique du même coup la prohibition de l'avortement. Mais c'est là que ça se complique, et qu'on en revient au fameux plan dont nous
parlions plus tôt. Car, au contraire, celui-ci paraît plutôt un manifeste argument contre l'avortement... Quand il se prononce sur le sujet, Cristian Mungiu préfère se décharger en parlant d'une
"histoire de choix personnels".
Mais tout ceci n'a pas empêché le jury du dernier Festival de Cannes de décerner sa Palme d'Or au film. Et pourtant, malgré des qualités cinématographiques indéniables et un
jeu très convaincant, on en ressort avec la désagréable impression d'avoir été trompé, d'avoir vu un film fait surtout pour qu'on parle de lui, comme en témoignent le manque de développement du
scénario et la fadeur du dénouement (s'il en est un). Et c'est bien dommage.
(4 luni, 3 saptamani si 2 zile)
De Cristian Mungiu.
Avec Anamaria Marinca, Laura Vasiliu...
Scénario de Cristian Mungiu.
Genre : glauque.
1 h 43 min, Roumanie.
Vu en V.O.
Note :