C’est à se demander si mes petits camarades du PS ne veulent vraiment rien comprendre à la question du Grand-Paris. Le maire de la capitale, Bertrand Delanoë, qui déclarait le 4 septembre dernier dans le Parisien, « Paris est plus grand que Paris », ne pourrait-il pas éclairer la lanterne de ses petits camarades pour qu’ils arrêtent de dire n’importe quoi à ce sujet, en mélangeant tout et en confondant opposition politicienne et intelligence politique ? Après tout, cela fait peut-être aussi partie de la rénovation au sein du PS ;-)
Le Grand-Paris, jour après jour devient un sujet grand-public, et les occasions se multiplient pour en parler, mais aussi pour le PS de s’engluer dans des prises de positions passéistes à côté de la plaque, comme c’est le cas dans la Tribune qui hier faisait s’exprimer Laurent Davezies, professeur d’économie des territoires à l’université de Paris XII Créteil, et à Alain Rousset, président de la région Aquitaine (PS) et de l’Association des régions de France sur la question « la France a-t-elle besoin d’un Grand Paris ? »
Laurent Davezies, qui défend l’idée d’un Grand-Paris dynamique et moteur explique : « Le “Petit Paris” actuel est le produit de ce que Jean Viard a appelé une “démocratie du sommeil”, où les électeurs étant ceux qui y dorment, ils votent pour une politique davantage tournée vers le confort résidentiel que vers l’activité et le progrès, au détriment du million d’actifs qui y viennent travailler chaque jour. C’est bien la seule métropole d’Europe à connaître une telle évolution. Si l’on veut relancer la croissance en France, il faut redynamiser l’Ile-de- France… et d’abord son cœur. Car cette panne tient aussi à la gouvernance actuelle de l’agglomération, à l’émiettement extrême de ses territoires et des stratégies de ses élus. Il y a trop d’enjeux nationaux et régionaux à Paris pour ne les laisser qu’aux seuls Parisiens. »
A côté de cela, Alain Rousset en reste à la défense des élus et des grands principes, comme si changer le périmètre d’une Ville était une atteinte aux libertés. Certes les élus sont à prendre en compte et ont un rôle à jouer, mais à toujours résumer le problème du Paris par un « c’est aux élus » à régler la question finit par paraître une position plus « corporatiste » que politique. Car c’est bien gentil d’écrire que « l’enjeu de l’aménagement de l’Île-de-France est d’abord, comme pour toute grande agglomération, d’améliorer la qualité de vie de ses habitants en endiguant l’étalement de son emploi, comme de son urbanisme et de ses transports. Il s’agit de réduire la circulation automobile par une meilleure utilisation des transports en commun. Et de réduire le temps de transport des Franciliens, en organisant de manière plus optimale les déplacements des lieux d’habitation vers les lieux d’emploi. Ainsi, est-ce aux élus de la région, en coordination avec ceux de la ville de Paris et des communes avoisinantes, d’organiser l’aménagement du Grand Paris. »
Mais premièrement Paris n’est pas « comme toute grande agglomération », c’est une grande métropole que même le projet de SDRIF de Jean-Paul Huchon et Mireille Ferri ne compare qu’à New-York, Londres et Tokyo dès les premiers paragraphes de la première partie du document (p 24-25). Enfin, même si le STIF (Syndicat des Transports d’Ile-de-France) n’est présidé par la Région que depuis deux ans, on voit bien à la situation apoplectique des transports collectifs parisiens et la pauvreté des débats actuels (il faut lire l’anecdote de Christian Sautter au STIF), que la solution aux déplacements dans l’agglomération réclame autre chose qu’une simple concertation entre élus à la recherche d’un improbable consensus, mais une vision globale, des arbitrages et aussi des investissements qui vont bien au-delà des seuls budgets municipaux et régionaux et les dotations actuelles de l’Etat. Et là, on voit bien que la situation actuelle, concertation ou pas, nous enferme dans une impasse, et laisse au contraire la porte ouverte à une intervention brutale comme Nicolas Sarkozy menace de le faire devant l’inaction de la gauche.
Et surtout, ce que je n’arrive pas à comprendre, c’est pourquoi la taille de Paris ou d’un Grand-Paris et le nombre de communes autour d’un Grand-Paris feraient tomber la France dans un retour à « la plus pure tradition jacobine française ». Quel lien y a-t-il entre la taille de Paris, son organisation et le jacobinisme ? Va-t-on attaquer Bertrand Delanoë et Pierre Mansat pour jacobinisme parce qu’ils ont trouvé une solution à l’extension de Vélib’ aux communes limitrophes ? Et la décentralisation ne tient-elle qu’à la taille d’une ville ou à l’émiettement des centres de décisions ? Pourquoi ne pas aller au bout de la logique et retourner au Paris d’avant 1860 voire plus tôt ? Un maire de Paris élu par 6 millions d’habitants serait-il moins légitime qu’un maire élu par 2 millions d’habitants ? Le PLU d’un Paris de 6 ou 8 millions d’habitants serait-il moins cohérent que l’addition des 124 PLU de la petite couronne aujourd’hui ? Je n’arrive pas à comprendre ces arguments. On parle de développement et d’efficacité, et on répond défenses des élus. Et la défense des Parisiens intra et extra-muros, elle est où dans tout ça ? Il faudra peut-être un jour songer à leur demander ce qu’ils en pensent…
Jean-Paul Chapon