Cela fera bientôt cinq longs mois que je travaille dans une entreprise où il n'y a pas de machine à café et où le déca allongé de la secrétaire est absolument imbuvable. J'ai renoncé. Comble de tout, dans les rues alentours, RIEN, hormis quelques gargottes douteuses et peu recommandables.
Mon café c'est sacré. Il me faut donc faire provision tôt le matin d'une dose de caféine avec effet retard pour tenir une journée de labeur, paumée aux confins de Bezons et du Petit Colombes. Cinq mois, que chaque matin à 7 heures tapantes, j'alterne entre le Starbucks de la Cour du Havre et le Starbucks à l'angle de Rue de la Pépinière... hésitante, pour mon expresso à 1,90€ servi la plupart du temps tiédasse parce quelques pimbêches haut perchées sur leurs chaussures Prada, leur big bag à l'épaule et la mèche savemment décoiffée ont commandé devant moi une mixture servie dans un grand gobelet, avec une paille. Le breuvage aura necessité l'usage d'un shaker, d'un mixer, d'une centrifugeuse et d'un flacon pompe pour répendre un filet de caramel. Plusieurs minutes de préparation alambiquée alors que votre tasse, depuis longtemps coulée, refroidit at attend que la préparatrice en tablier vert vous le serve assorti d'un tonitruant et commercial "Bonne dégustation!" "Tu parles!" Vous dites merci car vous êtes polie et au passage vous fusillez du regard, celle qui vous aura volé avec son moccha grande de précieuses et fragiles minutes de tranquillité avant d'embarquer dans l'omnibus de 7H21 vers Nanterre Université !
Alors, de temps en temps, de temps à autre, je me suis essayée aux croissanteries ouvertes à cette heure matinale où j'ai consommé un liquide bouillant et fadasse. J'ai abandonné.La semaine qui vient de se terminer ayant été on ne peut plus OFF, il me fallait plus que jamais commencer ma journée avec un café à la mesure des batailles que j'allais livrer. Jeudi, je ne sais pas comment, ni pourquoi j'ai franchi le seuil d'un vénérable troquet. Vous savez un café, une brasserie, un vrai bistrot parisien avec un comptoir en zinc et un garçon à la chemise plus très blanche mais à l'oeil avisé. Je me suis glissée au comptoir entre un biker déchiré et deux forts des halles. On m'a dévisagée. Une dame bien mise à 7H02 qui réclame un café sans s'asseoir en salle, cela a eu l'air d'étonner. "Un café, s'il vous plait" et je n'ai pas attendu trois plombes. Zélé le garçon derrière son comptoir superbement astiqué. Un café, un vrai café corsé à souhait et selon mes souhaits, du café pour forts des halles, justement, servi dans une jolie tasse noire à 1€ seulement... Pourquoi seulement ? Parce mentalement, j'ai calculé que j'allais économiser la bagatelle de 4,50€ par semaine quand même... Du coup, vendredi, j'y suis retournée et je me suis glissée au comptoir entre un homme d'affaires déjà passablement agité et les deux forts des halles, des habitués. Le garçon de café à la mine gris pâle et à l'oeil de cocker derrière ses lorgnons m'a tout de suite saluée... La dame à 7H02, va-t-il peut être me surnommer... Mais avant que j'ai ouvert la bouche, une tasse noire était posée fumante sous mon nez et le pot à sucre avancé. Quand je suis sortie, il m'a jeté "bonne journée". Je gage que dans huit jours nous aurons déjà sympathisé.
Je me suis jurée de ne plus oublier qu'en France en général et à Paris, en particulier, nous étions les champions du troquet, alors Garçon, un café s'il vous plait !