Le projet de loi relatif à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet – «HADOPI 2» – a été définitivement adopté et, depuis quelques jours, se trouve entre les mains du Conseil constitutionnel.
S’il valide totalement ou partiellement «HADOPI 2», avec la loi Création et Internet «HADOPI 1», ces deux textes vont constituer l’arme fatale pour mieux lutter contre le téléchargement illégal sur Internet. Est-ce une arme véritablement fatale ?
Le passé proche m’incite à penser que l’ensemble de ce dispositif législatif «HADOPI» sera aussi efficace que la loi précédente – en son temps défendue bec et ongles par le ministre Donnedieu de Vabres – relative au Droit d’Auteur et aux Droits Voisins dans la Société de l’Information, à tel point qu’un organe comme l’Autorité de régulation des mesures techniques n’a jamais fonctionné.
A qui profitera t’elle ? A mon avis pas aux artistes qui ne verront pas leurs revenus augmenter. Plus surement à diverses sociétés étrangères – qui pour quelques euros ou dollars par mois – proposent déjà ou proposeront des outils comme des réseaux privés virtuels pour échapper à la surveillance d’un organisme quel qu’il soit.
Que va t’elle engendrer ? Toujours à mes yeux, d’une part une réduction drastique des protocoles utilisés et le développement du cryptage, d’autre part des stratégies de contournement de la loi.
Une réduction drastique des protocoles utilisés et le développement du cryptage
Comme le soulignent les spécialistes de sécurité des réseaux et des systèmes d’information, et je suis parfaitement en accord avec cette position, les nombreux protocoles qui sont actuellement utilisés vont se réduire, à l’avenir, à quasiment deux que sont le «HTTP standard» et sa déclinaison «SSL», le premier servant à passer au second lorsque vous et moi chercheront à ce qu’un contenu ne soit pas public.
Cette nécessité de devoir, désormais, être plus discret, plus vigilant lors de ses transmissions par voie électronique – pour échapper ne serait-ce qu’à une possible coupure de sa connexion Internet – va conduire développeurs de logiciels et internautes à recourir de plus en plus au cryptage.
Le «peer to peer», ce système d’échange tant honni des multinationales du disque, a déjà largement engagé sa mutation vers le chiffrage protecteur.
Elle est également enclenchée pour les fournisseurs de newsgroups, américains pour la plupart, qui à ce jour proposent tous – concurrence oblige – à leurs clients sans supplément de prix, outre une augmentation de la durée de rétention des fichiers «uploadés», un service de cryptage 256-bits SSL.
De même pour les serveurs de fichiers centraux du type «Megaupload» ou «Rapidshare» qui offrent une option «HTTPS».
Cette évolution, qui a totalement échappé à la représentation nationale sauf à une poignée de députés, est très inquiétante car Internet va passer, par le refus d’une industrie de s’adapter aux nouveaux enjeux économiques, de l’état de difficilement contrôlable à totalement incontrôlable.
Des stratégies de contournement de la loi
Des stratégies de contournement du dispositif HADOPI car la pratique du téléchargement dit illégal s’est maintenant généralisée et ce depuis trop longtemps pour qu’un retour en arrière soit réaliste d’autant que l’offre actuelle de musique sur les plateformes légales est loin d’être satisfaisante (achat des morceaux onéreux, absence de «qualité CD» pour les fichiers…).
Ces stratégies de contournement vont prendre diverses formes qui passent par :
- Le «streaming vidéo» avec des sites comme Boxinema, mais c’est loin d’être le seul, d’où l’utilité par exemple de Streamactu qui a mis en ligne, au cours de l’été, un article sur les meilleurs sites de streaming : sur le podium en première place Streamov suivi de Stream-easy, puis de Streamvie qui semble connaître quelques problèmes, de Direct-streaming,…
- Le «streaming audio» avec les sites de musique en ligne tels que Deezer, Jiwa, et les logiciels d’enregistrement comme Streamy, ou Freezer devenu Ipulp.
- Les «newsgroups» et pour ne citer que les plus en vue : Giganews, Powerusenet, Easynews,…
- Le «téléchargement direct» avec les célèbres sites de stockage en ligne RapidShare, MegaUpload et Mediafire, lequel fait actuellement pression sur la fondation Mozilla pour que celle-ci retire «SkipScreen» de la liste des plug-ins utilisables avec Firefox.
- Le «peer to peer» de troisième génération avec Stealthnet, Imule, Kommute…
- Le «friend to friend (F2F) data sharing» représenté par Oneswarm.
- Les réseaux cryptés avec l’exemple de Freenet.
- Les réseaux wifi publics ou mal sécurisés.
- Les forums d’échange accessibles uniquement sur invitation d’un membre.
- Les réseaux privés virtuels dont j’ai déjà eu l’occasion de parler dans un premier billet puis dans un second et à lire ici pour une information détaillée.
et la liste n’est surement pas exhaustive…