On s’est rencontrés, on s’est fréquentés trois mois, puis il m’a quitté. Un an plus tard, on se recroise, on se revoit, on retombe. Au bout d’un an d’une relation pas toujours parfaite, on finit par emménager. Six mois plus tard, je refaisais mes boîtes et allait m’installer dans un petit 3 et demi pas trop loin de chez lui. Je perdais mon amoureux, je n’ai pas voulu perdre mon meilleur ami. Alors on a continué à se parler tous les jours au téléphone, on s’est vus sous prétexte de me donner un coup de main avec les trucs trop lourds, et l’habitude aidant, on a souvent finit par tomber à l’horizontale. Les mois ont passé, je fréquentais d’autres gars, mais rien ne fonctionnait. Jamais personne ne pouvait m’offrir une journée ou une soirée parfaite comme lui le faisait en un clin d’oeil. Beaucoup de larmes pendant cette période où je ne comprenais pas qu’il ne voit pas que nous étions faits l’un pour l’autre, même séparés.
Un jour, il a été le plus fort et a demandé à prendre ses distances. J’ai braillé, crié, ragé, mais j’ai respecté son souhait. Ça m’a permis de rencontrer quelqu’un d’autre et de lui laisser prendre une place dans ma vie où il y avait maintenant trop de place. Malheureusement, cette relation-là avait plus de défauts que de qualités. Quand il a commencé à me blâmer pour tout, me reprochant ce que j’étais et ce que je faisais, j’ai appelé la personne qui me connaissait le mieux et pouvait peut-être m’éclairer: mon ex. On est redevenus amis pendant que ma relation battait de l’aile et il était là quand tout s’est terminé.
Depuis, il a partagé mon célibat avec tous ses espoirs, ses frustrations et ses joies aussi. Un meilleur ami qu’on peut appeler à minuit le vendredi pour lui raconter le film qu’on vient de voir, qu’on peut réveiller le dimanche matin avec une proposition pour le brunch, avec qui souper quand on a encore cuisiné pour quatre et qu’on a peur de finir la bouteille de vin toute seule sinon. C’est resté platonique, à part des accolades et un baiser échangé un soir où l’alcool avait coulé à flots. Quand il a rencontré une fille à la fin de l’été, je fréquentais moi aussi quelqu’un. Je l’ai conseillé de mon mieux, je trouvais parfois bizarre de dire à mon ex comment séduire une fille, mais je lui souhaitais que ça fonctionne.
Nos deux histoires se sont terminées pas très longtemps après, on a repris nos habitudes de célibataires. Les soupers, les petits services mutuels, le magasinage de ses vêtements et de mon électronique. Mes (més)aventures étaient tout aussi nombreuses que farfelues; rien ne semblait se passer de son côté. Puis un jour, un samedi où je n’avais plus de nouvelles depuis bientôt trois jours, il m’apprend que sa jeune et jolie collègue a cédé aux avances discrètes qu’il lui fait depuis plus d’un an. Les choses ont commencé à changer là tout de suite, dès ce premier coup de fil. Il marmonnait, bafouillait, chuchotait, incapable de tout me raconter comme avant, malgré son envie de partager son bonheur. Et moi, si imparfaitement égocentrique, je n’ai pu que pleurer sur le fait qu’une autre fille, plus jeune, plus lumineuse, prenait ma place. Pas la place de la blonde, mais celle de la meilleure amie.
Parce que je n’avais pas envie de lui imposer l’odieuse présence d’une ex dans ce nouveau départ, j’ai décidé de prendre mes distances et de leur laisser le champ libre pour s’aimer sans mon regard triste de fille envieuse. Maintenant, mes autres amis me font un procès sur le fait que mes sentiments sont injustifiés, que je devrais pouvoir partager son bonheur sans me sentir qu’on m’enlève quelque chose pour autant. Je comprends leur point de vue; mon point de vue à moi c’est que je perds mon compagnon de célibat, que nos réalités ne seront plus les mêmes, que je préfère décider d’être seule que de me sentir seule parce qu’il n’appelle plus aussi souvent. Ma façon de voir les choses, c’est que je ne pourrai pas le regarder vivre ce que je voudrais vivre moi-même sans l’envier et sans en souffrir. J’ai l’impression de le voir partir sur le beau navire de l’amour pendant que je reste seule sur le quai.
Je me demande si c’est possible qu’on soit amis pour vrai un jour, sans sentiments étranges entre nous. Je ne sais pas… vous y croyez, vous, à l’amitié après l’amour?