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Attente immobile

Par Angèle Paoli

Le vent dans les pins
musarde au soleil
joue contre la chaleur de l'automne
attente immobile dans la lumière voilée
       fusil à l'épaule chasseurs à l'affût
       les sangliers ont tout dévasté
       meurtrie la terre révulsée
       bêtes tapies
       les silencieuses
       seule l'odeur de musc
       que disent les hommes
       regards obscurs d'où rien ne filtre
       attente immobile dans la lumière voilée
je suis le tracé fil d'une fourmi
― silencieuse d'un silence autre ―
elle avance droit devant
pas même ralentie
fétu de paille qu'elle hisse
à bout de mandibules
je suis la minuscule
qui file son chemin
pleine vitesse
sans ivresse
comment peut-elle se diriger
poutre qui obstrue la vue
[peut-être ― mais que sais-je d'elle ―
ses yeux lenticulaires
sont-ils munis de loupes articulées
mobiles grossissantes]
comment peut-elle distinguer
son chemin parmi les mille chemins
ouverts
elle file croupe rebondie
droit devant elle
longe le muret contourne
touffes d'immortelles
buisson d'euphorbes
ecbalies élatères
pas d'hésitation
fourmi moissonneuse
pourquoi chercher si loin
ce que tu peux te procurer
à tes portes
c'est là qu'elle se rend
droit devant décidée
à ce trou de muraille grise
où s'affairent
mille sanspareilles
de son clan
fétu de paille tendu
droit devant
indifférente
au monde
elle s'engouffre
disparaît
je la suis du cœur je lis
en minuscule fourmi miroir
les questions qui m'habitent
pourtant que sait-elle
du but ultime de la vie
rien qui puisse lui murmurer
que la mort l'attend
au détour du chemin
c'est faux de dire qu'elle avance
droit devant elle zigzague et titube
sans plainte progresse par menus détours
enjambe les herbes sèches sansobstacle
agile petite créature obstinée qui déambule
à ras du désert pierreux du chemin
pouvoir suivre la lilliputienne tout le temps que dure sa course infatigable
je me laisse bercer par le vent pan de robe relevé sur les genoux
questions sans réponses tiédeur des caresses qui louvoient sur ma peau
mes yeux d'enfant ma voix de petite fille ― dit-elle ― pour lui parler de la fourmi
de ses vagabondages éphémères
peut-être faut-il retrouver en soi l'enfance qui dort
un lys mauve-rose hisse sa hampe
au-dessus du talus
attente immobile dans la lumière voilée
26 septembre 2009
Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli


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