Un homme, séropositif et affecté par une autre maladie grave, a vu sa demande d’indemnisation pour incapacité permanente refusée par sa compagnie assurance car elle estimait n’avoir pas été informée, lors de la signature du contrat d’assurance, de son infection par le VIH. La compagnie sollicita et obtint de la justice espagnole la communication du dossier médical complet de cet homme. Ce dernier s’y opposa et, surtout, initia - sans succès - diverses procédures afin que son identité - et, partant, le fait qu’il est séropositif - ne soit pas révélée dans les actes de procédure ainsi que dans les décisions judiciaires rendues à cette occasion.
La Cour européenne des droits de l’homme dissocie deux questions dans le cadre de l’allégation de violation du droit au respect de la vie privée (Art. 8), et ce après avoir reconnu l’existence d’une ingérence au sein dudit droit (§ 26).
Elle commence par écarter rapidement le problème de la communication du dossier médical en estimant qu’elle était « nécessaire pour la solution de l’affaire » (§ 29).
S’agissant du second problème - plus crucial - de la divulgation de l’identité du requérant et de sa séropositivité dans une décision judiciaire, la Cour place son analyse sous l’égide de principes fortement réaffirmés ici. En effet, est rappelé le « rôle fondamental que joue la protection des données à caractère personnel », en particulier le fait que « le respect du caractère confidentiel des informations sur la santé constitue un principe essentiel du système juridique de toutes les Parties contractantes à la Convention » (§ 31).
Il en résulte une obligation pour « la législation interne [de] ménager des garanties appropriées pour empêcher toute communication ou divulgation de données à caractère personnel relatives à la santé qui ne serait pas conforme aux garanties prévues à l’article 8 de la Convention » (§ 32), surtout quant à « la confidentialité des informations relatives à la séropositivité », élément qui « pèse […] lourdement dans la balance lorsqu’il s’agit de déterminer si l’ingérence était proportionnée au but légitime poursuivi » (§ 33).
En l’espèce, la Cour estime que le retrait du nom du requérant au sein de la décision judiciaire litigieuse était possible selon le droit espagnol et elle s’appuie même si sa propre pratique d’anonymisation de ses arrêts (§ 37 à 39). Surtout, elle ne décèle pas l’existence d’un « aspect primordial de l’intérêt public » (§ 33) qui justifiait « la publication de l’identité du requérant en toutes lettres en rapport avec son état de santé dans le jugement » (§ 40).
En conséquence, l’Espagne est condamnée pour la violation du droit au respect de la vie privée.
C. C. c. Espagne (Cour EDH, 3e Sect. 6 octobre 2009, req. n° 1425/06 )