Entendre le réveil sonner, le portable vibrer, le son faible, mais suffisant, pour briser les rêves qui s'étaient formés.
Etrange vision que ces bribes de vie qui se mélangent dans la tête alors que nous voulons déconnecter, que nous voulons pourtant nous reposer, mais cette activité qui continue, sans nous, mettant de l'ordre, du désordre dans notre exprit. La douleur de devoir ouvrir les yeux sur la réalité, ouvrir le store, un peu, et fixer son regard sur la façade à côté, la vieille bâtisse, les voitures parquées tout autour, et se lever.
Fermer la fenêtre, doucement, cette fenêtre ouverte pour laisser les rêves s'échapper, le parquet froid qui grince sous mes pieds nus, comme une danse silencieuse dans la brume matinale. Regarder dehors, à nouveau, le balcon, les plantes et le ciel si gris, pluvieux. Diriger ses pas vers la cuisine où il règne déjà une odeur de café, et fermer les yeux, respirer, constater qu'une fois de plus, l'on n'est aps la première. Les pas dans la nuit du corridor, le parquet qui grinde, encore et encore.
Le café siffle le matin, alors que mes yeux, si endormis encore, se dirigent d'une direction à une autre, sur la grappe de raisin, sur le yogourt déjà consommé, qui fait partie du rêve du passé. Voir son reflet dans la tasse, dans le breuvage noir qui est là, pour nous réveiller pour nous tirer de ce monde d'illusion pour nous plonger dans la réalité. L'horloge sonne, le retard est à nouveau présent, s'habiller en vitesse et filer, dans le vent.
Courir, courir, sensation de liberté, mais courir vers son destin, sa destinée. Se perdre dans les couloirs, dans le flot d'étudiants, et se sentir jeune, si jeune, et vieille, si vieille, en même temps. Tout est mélangé, tout se passe comme dans un rêve éveillé jusqu'aux gestes du professeur, jusqu'aux rires partagés avec la voisine.
Regarder le ciel, et voir sa gorge se nouer. Le ciel pleure, il pleure comme mon coeur pleure. J'ai voulu la liberté, j'ai voulu la solitude, j'ai voulu l'amitié des regards, j'ai voulu les rêves éveillés, j'ai voulu ce monde de passionnés, mais tant de choses restent accrochés au manteau qui me couvre, qu'ils m'empêchent de vivre pleinement.
Son regard dans la cuisine, partager de bons moments, rire et manger, ensemble, malgré tout.
Se perdre dans les pages des romans, se perdre dans des phénomènes politiques, sociaux. Et penser à eux, à tous ceux que j'ai laissé derrière, à tous ceux dont je me suis séparée, à tous ceux qui sont partis, à tous ces gens qui ont fait partie de ma vie, et qui en font encore partie, dans mon coeur, dans les regards échangés parfois, dans les mots bredouillés, dans le marc à café et les bols de thé qui rassemblent les gens, dans la simplicité des coeurs, dans les rêves et les espoirs, dans l'illusion d'une liberté si proche et si lointaine, dans le besoin de partir et de rester, dans la distance et l'ennui, dans l'évolution des amitiés.
Vouloir la stagnation n'est pas bon, comme le train qui reste en gare, il faut avancer, pas à pas, lentement. Reprendre les pages du passé que l'on a laissé de côté car trop durs à supporter, et prendre, enfin, le temps de les compléter, de les classer, de continuer l'histoire commencée.
J'ai voulu changer de vie, et j'ai commencé par la trouver, véritablement. Respirer l'air frais du matin, elle me manque, il me manque, elles me manquent, parfois, ils me manquent, souvent. Ne pas vouloir oublier, ne plus répéter les erreurs du passé, mais avancer, la tête haute mais le regard humble. Vouloir apprendre, des autres, de la vie, de soi-même, surtout. Apprendre à grandir, à travailler, à s'exprimer.
Les bougies dans la nuit, la douce prière du soir, le silence nocturne, et la lune, tantôt pleine, tantôt cachée, pour nous tenir compagnie. Cette lune qui est pareille dans tous les coins du monde, dans les différences et les solitudes, les expériences et les souffrances. Cette lune qui nous nargue, qui nous éclaire, finalement, et qui nous chuchote, doucement, à l'oreille, un cri d'amour, de courage, d'espoir : "N'aie pas peur, tu sais, je veille sur toi, sur ceux que tu aimes. Je rassemble les êtres séparés, qu'ils l'aient voulu ou non, car je reste la même, indéfiniment, je reste la même, car là où sont les êtres qui me regardent, alors il me voient, et ils comprennent, eux aussi, que je suis semblable en tous points en tous coins du monde."
Glisser son corps et son coeur meurtri dans la nuit, dans les draps qui nous hâppent et nous cachent, et laisser les larmes couler dans le silence et la simplicité. Comprendre que quelqu'un veille, malgré tout, que l'on n'est pas seul, et laisser nos rêves nous posséder, un peu plus, encore une fois.
Entendre le réveil sonner, le portable vibrer, le son faible, mais suffisant, pour briser les rêves qui s'étaient formés, et comprendre, qu'une nouvelle journée a commencé.