Les comptes publics vont mal. Paradoxalement, la France se trouve plombée par des déficits publics dépassant les 8% du PIB, quand nos voisins allemands, en pleine crise également, tutoient les 3%. Voici l'occasion de dénoncer quelques mythes politico-fiscaux agités par le gouvernement.
Des prélèvements injustes
Le ministère de l'Economie et des Finances a publié un rapport sur l'évolution des prélèvements obligatoires en France, dans le cadre de l'examen du budget 2010. D'autres études et rapports sont venues compléter l'analyse. Se dessinent quelques conclusions édifiantes, parfois inattendues, sur les choix, parfois injustes, de la fiscalité française.
1. Sur quelques 835 milliards d'euros prélevés en 2008, l'Etat en a collecté 284 (soit 34% du total), la Sécurité Sociale 433 (soit 52%), les collectivités locales 113 (14%), et l'Union Européenne 5 (soit 1%). Ce sont les ménages, et non les entreprises, qui contribuent le plus : 44% de ces 835 milliards, soit 370 milliards d'euros, ont été prélevés sur les entreprises (cotisations patronales, impôt sur les sociétés, etc). Les impôts directs et indirects représentent 62% du total des prélèvements obligatoires.
2. La Sécurité Sociale est financée aux trois-quarts par des cotisations sociales pesant sur les revenus du travail. Les revenus du capital ne sont pas soumises à ses cotisations.
3. La TVA représente 130 milliards d'euros en 2008. Impôt indirect et injuste, elle rapporte davantage que les impôts sur le revenu (50 milliards) et les sociétés (50 milliards) réunis.
3. Le taux de prélèvements obligatoires baisse. Il devrait revenir à son niveau de 1981 cette année. En cause, les baisses d'impôts et, pour 1,3 point de PIB, la récession économique qui affecte les résultats des entreprises (et donc le rendement de l'impôt sur les sociétés). Depuis 2004, le poids des prélèvements de l'Etat n'a cessé de diminuer. La droite s'en réjouira. D'autres s'inquièteront des déficits abyssaux que le gouvernement laisse filer.
4. A l'inverse, les impôts locaux ont "explosé". A l'écart de la gestion régionale depuis 2004, la droite explique que la gauche a failli. En fait, les transferts de compétences de l'Etat vers les collectivités locales n'ont cessé d'augmenter depuis une décennie. Dernier en date, le gouvernement transfère 900 millions de TIPP en 2010, soit 0,1 point de PIB. Le "plan de relance" comptait également beaucoup sur un abondement des collectivités locales.
Comment Sarkozy a creusé les déficits
En matière de politique fiscale, on a tout entendu, même les plus gros bobards : le gouvernement serait "prudent" en matière de prévisions de croissance; la loi TEPA à 15 milliards d'euros (en 2007) puis le plan de relance de 2008 auraient permis d'éviter le pire. Le gouvernement aurait plafonné les niches fiscales dès 2009. Le gouvernement aurait verdi sa fiscalité. Voici quelques faits, qui contredisent les beaux discours de Sarkofrance.
1. les hypothèses de croissance sont trop optimistes :si le gouvernement est prudent pour 2010 (+0,75% de PIB), il table sur une improbable croissance de 2,5% à compter de 2011 pour réduire "naturellement" le déficit vers 5% du PIB en 2013. Or la France n'a atteint ou dépassé que 3 fois en 10 ans une telle croissance de +2,5%.
2. Le paquet fiscal n'a pas coûté les 15 milliards d'euros annoncés par le gouvernement en 2007, et pour une raison simple : son échec. En 2007, l'ensemble des mesures de la loi TEPA a coûté 1,3 milliards d'euros de manque à gagner; en 2008, l'addition est montée à 6,2 milliards d'euros. Les deux gros manques à gagner ont été la défiscalisation des heures supplémentaires (3,2 milliards) et la suppression de droits de mutation à titre gratuit (1,6 milliards). L'abaissement de 60 à 50% du bouclier fiscal a coûté 300 millions. En d'autres termes
3. Sarkozy a creusé les déficits par ses exonérations fiscales. Outre les 6 milliards d'euros du paquet fiscal de 2007, de nouvelles exonérations créées par le gouvernement vont également peser lourd : . la réduction de TVA pour la restauration (3 milliards d'euros), le crédit d'impôt développement durable pour les travaux d'isolation (2,6 milliards d'euros), ou le remboursement à 75% de la taxe carbone aux agriculteurs et aux pêcheurs (126 millions d'euros).
4. Les efforts de plafonnement des niches restent dérisoires : les niches fiscales coûteront 72 milliards d'euros à l'Etat en 2010 (contre 71 en 2009, et 66 en 2008). Les "efforts" du gouvernement en 2009 pour les plafonner rapporteront moins d'un milliard. Les 5 niches les plus coûteuses, qui totalisent 22 milliards d'euros d'exonération annuelle, sont la TVA à taux réduite (5,5%) pour les travaux d'entretien de logements de plus de 2 ans (5,15 milliards d'euros), le crédit d'impôt recherche (4 milliards), la prime pour l'emploi en faveur des contribuables modestes déclarant des revenus d'activité (3,2 milliards), l'exonération sur les contrats d'assurance vie (3 milliards) et... la réduction de TVA pour la restauration (3 milliards d'euros).
En 2009, les rares plafonnements et/ou suppression adoptés ont un impact à peine visible dans les comptes 2010 : Christine Lagarde se gargarisait du plafonnement global des réductions d'impôt à 25 000 euros par ménage plus 10% du revenu imposable. Gain espéré en 2010 : 22 petits millions d'euros ! Parmi les autres "efforts" du gouvernement, on peut citer le plafonnement des réductions d'impôt en outre-mer (gain : 167 millions d'euros), la suppression du dispositif Malraux pour les dépenses de rénovation (gain: 11 millions d'euros), et surtout, l'injuste plafonnement de la demi-part supplémentaire au titre des parents isolés (gain : 110 millions d'euros en 2010, 800 millions espérés en 2013, pour 4,4 millions de foyers concernés).
5. L'impact du plan de relance est de 13 milliards d'euros dans les comptes de l'Etat en 2009: 11,8 milliards de mesures fiscales votées en décembre; plus 1 milliards d'euros de suppression partielle de la seconde tranche d'impôt sur le revenu en février 2009 (5 millions de foyers concernés). Rapporté au PIB annuel du pays, l'effort de relance est plus que modeste.
6. La "fiscalité écologique" pèse peu dans les recettes de l'Etat: mesure emblématique, la taxe carbone représente 4,5 milliards d'euros de recettes "brutes" attendues en 2010. Ce montant se décompose en 4,1 milliards de taxe carbone à proprement parler plus 0,4 milliards d'augmentation de la TVA. Fixée à 17 euros la tonne de carbone émise, elle devrait augmenter de 4,11 centimes le prix du litre d'essence, et de 4,52 centimes celui du litre de diesel ou du fioul domestique. Le coût moyen de la taxe carbone par foyer fiscal est estimé à 74 euros par an.
Les autres mesures fiscalement "vertes" du budget 2010 sont financièrement anecdotiques, comme l'éco-prêt à taux zéro (80 millions d'euros d'exonérations en 2010). Au total, la fiscalité écologique pèse moins de 0,1% des prélèvements obligatoires (834 milliards d'euros, Sécu comprises).
7. La compensation de la taxe carbone sera injuste : le projet de budget prévoit une compensation pour les ménages, qui coûtera 2,65 milliards d'euros, par le biais d'un crédit d'impôt ou, pour les foyers non imposables, d'un chèque vert non imposable. Cette compensation, forfaitaire, ne sera pas liée au niveau de revenu du ménage, ni à sa consommation réelle d'énergie fossile. Tout au plus le gouvernement a-t-il prévu de distinguer les ménages vivant en zones urbaines avec transports collectifs (PTU) des autres : "Ainsi, pour les foyers fiscaux résidant dans un PTU, le crédit s’élèvera à 46 euros pour un célibataire et 92 euros pour un couple sans enfant, plus 10 euros par personne à charge. Pour ceux résidant en dehors d’un PTU, le montant du crédit s’élèvera à 61 euros pour un célibataire et 122 euros pour un couple sans enfant, plus 10 euros par personne à charge."