La tradition républicaine est de plus en plus considérée comme l’apanage de nostalgiques de la France de papa. Forcément ringarde, forcément inadaptée aux maux actuels de la société. Martin Hirsch à l’inverse est censé incarner la modernité et son corollaire, la culture du résultat. L’introduction même à titre expérimental de primes d’assiduités pour des élèves de lycées professionnels ouvre un débat passionné.
Des sous ! En deux mots voilà le contrat moral que propose Martin Hirsch entre les équipes pédagogiques et leurs élèves. Une pédagogie de projet qualifiée de positive reposant sur une stratégie de la carotte. L’expérience menée par trois lycées professionnels de l’académie de Créteil est simple. Rétribuer l’assiduité au point pour lutter contre l’absentéisme scolaire et constituer une cagnotte de fin d’année plafonnée à 10 000 € destinée à financer un projet collectif.
Désormais, discipline, respect et assiduité ne relèvent plus du gratuit mais ont un prix. Une officialisation de la marchandisation de l’enseignement qualifiée par certain “d’éducation bancaire”.Innovation pour les uns, totale régression pour les autres qui à l’image des autres n’y voient pas une solution mais, une capitulation.
“On va payer pour obtenir ce qu’on n’est plus capable d’imposer. On va tarifer notre impuissance” résume Philippe Bilger. Face au principe de réalité qu’on lui oppose,le magistrat-blogueur rétorque que, “quand on ne peut plus rien, on corrompt” et qu’il s’agit juste là “d’une méthode de société décadente”.
Une appréciation partagée par Jean-Luc Mélenchon. Sur le plateau du Talk Orange-Le Figaro, le président du Parti de Gauche a vivement critiqué, la mesure et son instigateur. “Pour un républicain, le rapport du savoir, ce n’est pas un rapport intéressé où l’on se grandit, où l’on se transforme.” (…) ” Il (Martin Hirsch) a l’air de croire que les français sont un ramassis de petits pauvres qui tendent la main et qu’il suffit de leur mettre une pièce pour que les problèmes soient réglés. C’est honteux de sa part.”
Dans cette affaire le ministre de l’éducation semble plus embêté de l’origine de l’initiative, le Haut Commissariat aux Solidarités actives et à la Jeunesse, que par la mesure elle-même. L’ancien responsable de la communication de L’Oréal n’a pas hésité à déclarer que cette expérimentation s’inscrit dans un esprit de bourses au mérite dans le plus pur esprit républicain.
Pour beaucoup, l’expérimentation menéeconstitue une mauvaise réponse à une bonne question : l’absentéisme. Le constat est, il est vrai, accablant, notamment dans les Lycées professionnels qui cumulent toutes les tares du système scolaire. Le constat est accablant. Les filières professionnelles accueillent 40 % des jeunes en fin de troisième et enregistrent des taux records d’absentéisme (15 à 20 %) et d’échec.
Il convient de tirer des leçons des mesures qui vont toujours dans le même sens répressif et regarder du coté des établissements qui fonctionnent autrement. Tous les acteurs reconnaissent qu’il faut redonner de la motivation aux élèves et commencer pour cela par bien les orienter. Le vrai but à se fixer c’est de redonner le goût et l’énergie d’apprendre. De dépasser les difficultés quand elles se présentent. Pas d’obtenir une présence en classe, à n’importe quel prix.
La monétarisation de la présence constitue une orientation détestable. Un mauvais copier-coller de pratiques anglo-saxonnes (USA, Nouvelle-Zélande, Grande-Bretagne). Une solution technique qui consiste à importer dans l’école sur le modèle de nossociétés néolibérales la notion de compétitivité entre les individus et les différentes classes et surtout d’introduire un rapport marchand dans la relation au savoir.
Ce n’est pas faire preuve de nostalgie ou d’immobilisme que de rejeter ce concept. C’est juste refuser un remède qui est pire que le mal. Le sujet mérite mieux qu’une expérimentation à la sauvette mais de véritables états généraux pour reposer dans le cadre de nos valeurs républicaines les nouvelles bases de l’école du XXI ème siècle.