Les Cartons s’entassent, les meubles se montent et les classeurs apparaissent.
Une chronique de Vance
Les lecteurs habituels le savent : Vance a fini par emménager dans une jolie, sympathique et parfaite petite maison individuelle sise dans une bourgade du pays messin, entre ville et campagne. Un coin de jardin, une haute haie, des volets bleus.
Parfaite.
Presque la maison de rêve : Vance aurait souhaité, très égoïstement, aménager un gigantesque bureau/bibliothèque dans une tour pour pouvoir à loisir observer les étoiles et les confins galactiques bercé par l’âme de ses chers livres…
Mais il a une maison désormais.
Et un nouveau berceau pour ses petits protégés, ses trésors, patiemment recueillis auprès des libraires spécialisés, des bouquinistes désabusés, des amis et voisins surchargés. Certains donnent un foyer aux animaux sans collier, Vance a longtemps servi de refuge aux livres abandonnés. Sans avoir, malheureusement pour eux, la place nécessaire à leur épanouissement.
Nombre d’entre eux, parmi les plus âgés, les moins agréables à la vue, durent se contenter alors d’une étagère généreusement montée dans la cave. Vance leur rendait visite : il n’avait pas à se forcer, il aimait ça, quand bien même il devait affronter les araignées pullulant dans les faux-plafonds. Les vieux Strange et Titans, les anciens livres de fac d’Histoire, les manuels désuets dont il ne parvenait pas à se séparer dormaient désormais dans une pénombre un peu trop humide à son goût.
Faute de mieux.
Les autres, il avait pu leur donner lumière et espace en déployant des trésors d’imagination et d’aménagement. Il ne se lassait pas de les contempler, tout en regrettant de ne pouvoir embrasser sa collection d’un seul regard : il s’en voulait, un peu, de cette ségrégation qui forçait la moitié de ses ouvrages à la réclusion obscure, pourtant innocents du seul crime de n’avoir pas une couverture aguichante.
Parfois, Vance allait en sauver quelques-uns. Sous prétexte d’aller chercher un livre qu’il savait confiné sous ses pieds, il en remontait d’autres et les entassait quelque part dans un recoin de son bureau. Lui qui pourtant aimait l’ordre et la symétrie des choses, appréciait savamment ces empilements presque sauvages, comme si les volumes poussaient d’eux-mêmes sur le parquet, naissant des miettes d’un savoir quotidiennement semé.
Vint le déménagement. Le changement de vie. La promesse pour les esclaves, les forçats de l’ombre, les galériens de la littérature, d’un retour à l’air libre et de la perte définitive de cette odeur rance et tenace qu’ont les vieux bouquins voués au pilon.
Tous ne purent être sauvés.
Mais beaucoup dorment à présent, fiers et debout, alignés aux côtés de leurs frères, attendant la main secourable qui les rouvrira.
Vous allez donc pouvoir observer, en plusieurs étapes, la genèse de cette bibliothèque espérée, rêvée depuis des années, vitrine culturelle et havre de paix pour les rescapés, ceux qui n’ont pas été donnés aux associations ou aux Bibliothèques d’école, offerts aux élèves en fin d’année, perdus par ces prétendus amis qui ne comprennent pas la valeur d’un prêt de livre ou vendus pour que le bon Vance s’offre des remplaçants non-censurés dans une plus belle édition.
Merci à Jennifer pour avoir rendu ce rêve possible.
Merci à Cachou pour savoir aimer les livres et leur rendre l’hommage qu’ils méritent.
Merci à M. Ikea pour permettre de les aligner sans trop se ruiner.
1e étape : où les cartons se multiplient et les meubles se dressent encore vides et pourtant pleins de promesses.