Il fut un temps où chaque séance de cinéma débutait obligatoirement par un court métrage. Si Pixar perpétue la tradition lors de la sortie de ses films d’animation, rien ne contraint de nos jours un exploitant de salles à suivre cette règle. Cet été, certains spectateurs des salles UGC n’ont d’ailleurs pas pu visionner Party Cloudy en guise de prologue à Là-haut. Raison invoquée ? Augmenter le nombre de séances et satisfaire une logique purement commerciale…
Le court métrage a la vie dure. Son heure de gloire française, dans les années 40, fut d’assez courte durée - un décret-loi instaurait alors la projection d’un film court en chaque début de séance, lequel bénéficiait de 3% des recettes. Mais en 1953, l’annulation de cette obligation laissa tout un pan du 7e Art en rade. De nombreux cinéastes (dont certains précurseurs de la Nouvelle Vague à venir, tels Alain Resnais ou Jacques Demy) se rassemblèrent au sein du Groupe des Trente pour défendre leurs intérêts. Comment revaloriser le court métrage, support logiquement privilégié des jeunes réalisateurs ? Les premiers festivals naquirent dans cette optique, comme celui de Tours (devenu aujourd’hui Tours Métrages) puis celui de Clermont-Ferrand en 1982, souvent considéré comme le plus important festival de courts métrages du monde en termes de fréquentation (2ème festival de France après celui de Cannes par rapport au nombre d’entrées).
De nos jours, en France, douze festivals de courts métrages sont classés en catégorie 1 par le Centre National du Cinéma et sont véritablement reconnus par la profession. Parmi eux, celui de Lille, dont la 9ème édition se déroule actuellement du 6 au 11 octobre 2009. Les occasions de révéler les nouveaux talents ne manquent donc pas, mais la compétition se mène sur un terrain de plus en plus rude. Tandis que le développement des technologies récentes - dont le numérique - offre davantage d’accessibilité au support audiovisuel, l’offre est plus que jamais diverse et la concurrence acharnée. Les organisateurs du festival de Lille, soulignant au passage la morosité ambiante et la précarité qui gouverne le milieu artistique, confient ainsi avoir reçu presque 1500 courts métrages pour n’en retenir que 71 à la compétition… Asseoir sa place dans l’industrie du cinéma relève d’un incroyable parcours du combattant.
Mais la culture ne vit réellement que par sa rencontre avec le public : tel est, aussi et surtout, l’enjeu d’un tel festival. A Lille, 10 000 visiteurs firent le déplacement l’an dernier. L’événement ne revêt pas une grande ambition, mais son implantation locale facilite l’accessibilité d’un art rapidement méconnu lorsque l’on sort des sentiers battus et des productions primées lors des cérémonies les plus prestigieuses. C’est donc au plus près des gens que la richesse culturelle se vit et se perpétue, parfois victime de son succès. Pas plus tard qu’hier, la soirée d’ouverture de la 9ème édition affichait salle comble et laissait la moitié des visiteurs potentiels derrière ses portes. Pas de quoi désespérer cependant : la riche programmation des prochains jours laisse place à une sélection hétéroclite qui ne devrait pas laisser cinéphiles et curieux de côté.
En parallèle de la compétition, le Festival international du court métrage de Lille a choisi de centrer sa rétrospective sur l’humour, sujet particulièrement tendance ces dernières mois - on se demande bien pourquoi. Au récent cinéma L’Hybride, implanté dans les locaux réhabilités de la Gare Saint Sauveur, la théma « zygomatiks » laisse place, chaque soir, à une sélection de films insolites, drôles, connus ou ignorés du grand public. Les soirées VisualMix, quant à elles, conjuguent la musique et l’image, et laissent le champ libre à la création expérimentale. A noter ainsi, jeudi 8 octobre, le déroulement d’un ciné-concert à partir de quatre films de Maya Deren – réalisatrice américaine des années 40, emblématique représentante du cinéma indépendant. Enfin, samedi 10 octobre, la Nuit de l’Animation sera probablement comme chaque année plébiscitée par le public, laissant la part belle à des projections inédites et à un hommage au cinéaste allemand Bert Gottschalk. Bref, les événements ne manquent pas et le public lillois ne devrait pas être en reste.
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