Je n’ai pas encore été voir Le Petit Nicolas au cinéma. C’est pourtant planifié : je l’ai lu et relu, j’ai été fan, et je veux voir ce que donne l’adaptation. Certes, c’est un film français avec le problème inhérent du cinéma français actuel : une absence cruelle de bon scénariste. Il y a donc un risque de voir un exercice de style un peu fade. Si j’arrive donc à retrouver l’esprit bon enfant et primesautier de l’ouvrage de Sempé et Goscinny, je m’estimerai heureux. Mais la principale raison qui me pousse, qui m’intime l’ordre d’aller voir ce film est la lecture hallucinée des critiques dans la presse.
Ce billet parle Presse Française et de sa capacité à donner en spectacle à ses centaines de milliers de lecteurs l’étendue de sa médiocrité. On peut donc dire qu’il s’agit, encore une fois, d’une Pignouferie de plus.
Quand j’ai appris qu’il y allait avoir adaptation des livres, je me suis dit « Chic alors ! »
Lorsque le film est sorti, j’ai donc rapidement compulsé les principales pages « Culture » pour y découvrir les critiques.
C’est utile, les critiques : par exemple, quand Télérama trouve un film très bon, j’évite tout déplacement et la déception d’une soirée gâchée.
Et puis, quand on y lit que telle production est un nanar américain dopé à la testostérone avec plein d’action et un tout petit scénario, en général, c’est vrai et on peut donc être certain qu’on passera un bon moment à ne penser à rien d’autre qu’à manger du popcorn en regardant des voitures voltiger inutilement, le monde partir en fumée ou les héros s’agiter pour des buts ridicules.
J’ai donc jeté un oeil aux papiers des cultureux.
La première lecture m’a laissé dubitatif : « 20 minutes », c’est manifestement 19 de plus que le temps passé à écrire la chronique qui nous est proposée. Elle montre le décalage entre les années 60, période du film et dans laquelle un journal n’aurait jamais laissé paraître un tel machin bourré de typos diverses dans une grammaire terriblement XXIème siècle. Elle donne aussi au lecteur l’occasion de tiquer :
« une France désuète et fantasmée, indémodable parce qu’elle n’a jamais existé »
Ah ? Elle n’a jamais existé ? A moins que le film soit furieusement décalé par rapport au livre, je me souviens, au contraire, d’une assez bonne adéquation entre cette description des classes du petit Nicolas et ce que certains (qui ont plus de 20 ans maintenant, hein) ont réellement vécu.
L’impression n’étant pas franche, je me suis lancé dans une seconde lecture, … qui vient confirmer (dans un style plus figaresque) ce que j’avais lu avant : un film un peu plat (soit) … mais surtout :
« Pas un bouton de blouse ne manque aux petits comédiens qui chahutent tantôt dans une salle de classe idéalisée, tantôt dans un terrain vague toujours ensoleillé. »
« on a gentiment rêvassé devant un tourniquet rempli de cartes postales des années 1950-1960 où la nostalgie le dispute à la naphtaline. »
Ah. Une classe idéalisée ? N’ayant pas vu le film, je me surprend à me demander, exactement, en quoi. Parce que dans le livre, on parle d’une salle de classe où, finalement, la maîtresse a une certaine autorité ? Qu’on y passe la journée à apprendre l’orthographe, la grammaire, le calcul et pas la pâtisserie ou comment l’homme détruit sa planète en regardant Al Gore dégoiser ses inepties ?
Bref, Le Figaro trouve que le film sent Le Fabuleux Destin du Petit Nicolas : et il est clair qu’un film où les gens sont, globalement, plutôt heureux et pas pétris de problèmes sexuels ou psychologiques est un film … lisse.
Mais je crois que la timbale a été décrochée avec cette magnifique critique du Monde. De même que Libération est un journal qui ne survit que par les léchouilles continuelles à l’étatisme et reçoit en récompense sa part de sussucres subventionnels, le Monde aurait probablement fini par disparaître corps et bien s’il ne fournissait pas l’alibi commode de faire « de gauche » et touchait lui aussi sa part de commodes et salvateurs subsides.
C’est ainsi qu’on y lit, abasourdi, la phrase suivante :
« le film ressert la soupe nostalgique d’une France des 30 glorieuses et de son école exemplaire, exclusivement peuplée de gentils petits garçons blancs comme neige, vêtus de culottes courtes en flanelle, respectueux de l’autorité des professeurs, qui ne parlent jamais de sexe, ne fument pas de cigarettes, n’imaginent même pas lancer une boule puante. »
Il est vrai que la version originale, écrite par un Goscinny toujours sous amphétamines, décrivait régulièrement Mouloud, ami du petit Nicolas, qui parlait, entre deux injonctions inaudibles d’une maîtresse hystérique hurlant dans une classe dissipée, d’organiser une tournante entre deux trafics de shit avec Alceste et Agnan (quel hypocrite, celui-là).
Non ? Vous ne vous en rappelez-pas ? Dans l’épisode « Eudes tire un mobylette » ?
Vraiment pas ? Ah. Zut.
Peut-être est-ce parce qu’en réalité, dans les aventures originales du Petit Nicolas, les classes étaient décrites telles qu’elles étaient (et telles que je les ai vécues, saperlipopette), c’est-à-dire peuplées de petits garçons, tous blancs (bah oui), gentils (ou en tout cas, pour lesquels le racket n’était pas une préoccupation majeure), avec pour certains des culottes courtes (parce que bon, les pantalons coutaient cher, à l’époque), respectueux de l’autorité du professeur qui, d’ailleurs, n’hésitait pas à nous coller de bons coups de badine sur les doigts ou sur les fesses quand on faisait le guignol.
Dans ces classes de cette France qui n’a jamais existé et dans laquelle j’ai pourtant vécu (probablement moi aussi en plein trip acide), on ne parlait pas sexe entre nous à 10 ans, on ne fumait pas de cigarettes (ça n’arrivait qu’au collège, et encore, pas en 6ème), et on n’imaginait pas lancer une boule puante parce qu’on savait très bien que le premier réflexe du prof aurait été de fermer les fenêtres et nous faire passer la récré dans la salle empestée.
Mais à lire Le Monde, tout ceci n’a jamais existé.
There is no spoon, qu’on te dit. Insiste pas !
Le syndrome de Matrix a encore frappé : le Monde m’explique donc que je me suis cru dans une France que les cinéastes d’aujourd’hui fantasment et Goscinny aura fabulé à l’époque. Et en réalité, ça va plus loin : non seulement cette France n’a pas existé, mais Le Monde, Le Fig’, 20 minutes et d’autres pénibles branquignoles se font fort de nous la faire oublier. Décrire une France au parfum de naphtaline, où les enfants y sont calmes, ne sont pas exclusivement occupés à 8 ans par leur zgeg et la fumette, c’est décrire une sale France de réacs conservateurs qui n’est pas dans l’air du temps. Elle est donc fausse et oubliable.
Enfin, je suppose.
Parce qu’à vrai dire, que ces journaleux trouvent le film fade ou plat, pourquoi pas. On peut ne pas aimer une adaptation, ou, tout simplement, le réalisateur peut s’être planté. Soit.
Mais qu’ils le trouvent fade ou plat à cause de cette représentation relativement fidèle d’une France où, jadis, tout ne se terminait pas en jurons de cité, ça, là, ça me dépasse.
En somme, le Petit Nicolas n’est pas assez « Neuilly Sa Mère ! »
Pathétique.
En conclusion, pour signifier mon profond mépris de ce genre de conneries bien-pensantes et pourtant nauséabondes, j’irai voir ce film.
A bon entendeur.