Ce qu'est "l'économie de service", par la DGCCRF

Publié le 07 octobre 2009 par Lucdelporte

La DGCCRF, je vous en parle souvent, et pour cause, il s'agit de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, le bras armé de Bercy en charge, techniquement, de la protection des consommateurs que nous sommes... et force est d'avouer qu'ils font plutôt bien leur boulot, avec un site régulièrement mis à jour, qui contient des avis, des fiches pratiques, des lettres-types pour les contentieux, et des rapports dont le dernier en date vient de paraître. Celui-ci résume par écrit un "atelier" que la DGCCRF avait organisé en juin 2009 sur la consommation de l'immatériel en France, avec la participation d'universitaires (du CREDOC, notamment), de fonctionnaires, d'associations de consommateur (UFC-Que Choisir) et d'entreprises. Une thématique passionnante à l'heure de l'e-commerce et de la présence toujours plus grande des "services" dans nos modes de consommation. Voici les pistes les plus intéressantes de ce document :

  • quelques chiffres clés tout d'abord : nous sommes plus de 22 millions à acheter en ligne, pour 20 milliards de chiffre d'affaires en 2008, en hausse de 29% par rapport à 2007. Des chiffres qui sont dans la lignée de ceux que j'évoquais en parlant de l'e-commerce comme sortie de crise pour le secteur de la Vente par Correspondance.
  • une définition de la consommation immatérielle par Philippe Moati du CREDOC : "Qu’entendons-nous par consommation immatérielle ? Nous venons d’en avoir un angle d’attaque privilégié à travers le commerce électronique. Celui-ci virtualise en quelque sorte le commerce et le rend immatériel. De même, il y a la dimension symbolique de la consommation dans des pays riches où les besoins de base sont largement satisfaits, les ressorts d’achat relèvent de moins en moins du fonctionnel et de plus en plus de l’émotionnel, du symbolique, de l’expérientiel." Il s'agit donc principalement des services, qui sont passés de 40% des dépenses des ménages en 1960 à plus de 60% aujourd'hui, accompagnant logiquement la "tertiarisation" de l'économie. Le marché des produits manufacturés, lui, baisse.
  • Au-delà de la notion de service, c'est également la généralisation de la "relation de service" qui explique la hausse des consommations immatérielles, comme le précise Christophe Benavent de l'Université Paris-X Nanterre : "les entreprises constatent que le problème aujourd’hui n’est plus de produire, mais de réussir à vendre. La clientèle constitue un véritable patrimoine qu’il faut préserver, faire fructifier..." d'où la pléthore de services commerciaux liés au client et non pas au produit : "Le premier degré de cette orientation client, et de ce basculement des entreprises vers la relation de service, consiste à enrichir la transaction commerciale, toujours centrée sur un produit cœur de l’offre, par des prestations de service périphériques : facilités de paiement, service après-vente... Donc, une transaction qui reste centrée sur le cœur de l’offre, mais que l’on enrichit en services périphériques de manière à améliorer le degré de satisfaction de la clientèle."
  • Du produit à la solution : autre aspect du développement de cette "relation du service", passer du "produit" à la "solution" : "Ce qui importe n’est pas le produit, mais la contribution du produit à la solution d'un problème.", d'où la constitution de bouquets, de box, d'offres tout compris qui incluent à la fois le produit demandé, et surtout le service, immatériel, qui lie le client au vendeur : "Il faut alors constituer un bouquet de biens – souvent de biens et de services – complémentaires pour régler le problème du client."
  • Cette servicialisation, s'i l'on peut dire, serait même une nouvelle étape du développement du capitalisme, vous savez, celui qu'on croit moraliser à coups de G20 : "Cette logique me semble être l’avenir du système capitaliste. Nous assistons au basculement d’une économie des produits à une économie des effets utiles, c’est-à-dire une économie du service. Cela correspond à des impératifs du côté des entreprises : c’est une manière de relancer l’appétence pour la consommation, de créer de nouveaux besoins, de créer de la valeur ajoutée, de se différencier des concurrents, de fidéliser la clientèle, car cette relation de service s’inscrit naturellement dans la durée."

Le reste du document fourmille d'idées intéressantes sur cette dématérialisation de la consommation qui va de pair avec le boom du secteur des services, ou plutôt, du service comme le laissent entendre les différents participants à ce débat.

Je me demande tout de même si un point n'est pas "oublié" dans cette approche. Les participants évoquent par moments le rôle capital des technologies de l'information, notamment des réseaux et d'Internet pour faciliter cette relation du service (plus proche, plus personnelle, plus rapide). Mais les consommateurs ont aussi un pouvoir important à l'égard des marques, des produits et des services qu'ils consomment grâce à cette technologie : donner son avis, critiquer un produit, suivre, ou pas, les conseils de ses amis, lancer des pétition... ou même rédiger ces posts sur ce blog ! Peut-être que les consomm'acteurs également produisent "du service", entre eux, et gratuitement cette fois-ci, en parlant "des services" qu'ils consomment... Voir par exemple les marques détestées des internautes, un classement qui pour le coup fait trembler ces grands groupes.

Luc, Consommaction.