Photo

Par Adelap @adelap10


J'aime que l'on me parle de mes images… alors je crée des histoires, je les publie ici ou là, je demande conseil, je les envoies par mail… je fais de beaux PDF… et j'attends, oui, j'attends… parfois longtemps que quelqu'un se manifeste… et puis j'envoies de nouveau un mail pour savoir s'ils l'ont bien reçu… sans fin, l'attente…
L'impatience d'attendre des autres, ce qu'ils n'ont pas forcément envie de donner. L'incompréhension, face à l'indifférence, l'ennui…
"Cette série n'est pas une de tes meilleure. Il faudrait développer et définir d'avantage la narration... Voilà mon choux. Je pense qu'il faille encore travailler...Définir d'avantage le voyage et l'histoire vers laquelle tu veux entraîner les spectateurs. Je sais pas si ça te parle..."
J'aime que l'on me parle de mes images… parce que ça leur donne une raison d'exister. Je ne peux pas faire des images pour moi, je les connais que trop, le but étant de les diffuser, les publier pour qu'elles existent quelque part… On s'invente des mondes charmants, on improvise des séances au soleil… et puis un jour, quelque parle de vos images…

06.10.2009 Je ne peux dire ce que je vois dans vos images Alexandra
Dans le fait de recevoir des photographies, la nuit quand on écrit et qu'on ouvre ses messages, il y a ce sentiment que c'est la même passion qu'on vient encore relancer, juste au moment du sommeil, jusqu'au moment de l'insomnie, jusqu'à demain la prochaine suffocation. Merci aux photographes qui m'envoient la nuit leurs images, qu'ils sachent ou pas ce que veut dire être affamé. Alexandra de Lapierre m'envoie tout à l'heure plusieurs photographies qui me ramènent à d'anciens textes que je lisais à Petersbourg, au mois de juin 1990. Des lettres de William S. Burroughs à Allen Ginsberg, lues dans l'attente de mon premier enfant qui devait naître en juillet, relues comme si j'étais moi-même Allen Ginsberg, le 19 ème jour de cet été où la guerre froide se terminait quelque part entre Kiev et Berlin. Comme Sally Man, Alexandra photographie ses enfants et c'est d'amour que me parlent ses images. Amour-fascination sans limites, amour-tendresse-au-milieu-de-l'effroi et dans la prise aussi remonte ce sentiment animal qu'on aperçoit dans le regard des mères.


Est-ce que je mélange tout ? Mais quand Allen Ginsberg photographie William Burroughs, il y a ce sentiment amoureux qui vient s'inscrire lui aussi dans l'image, à travers la lumière venue toucher les lèvres et le front, laissant dans l'ombre les deux yeux braqués sur l'objectif. Quand Alexandra de Lapierre photographie le regard fixe de son plus jeune enfant, il y a ce sentiment animal-amoureux dont l'image est pétrie. « Il n’y a pas d’accidents dans le monde de la magie. Et la volonté est un autre terme pour désigner l’énergie animée. » Ce sont les mots de Burroughs, trouvés à l'intérieur de ses Essais qui viennent tout juste d'être traduits, et aussitôt recopiés à l'intérieur de mon carnet.
- Et c'est parce que ses mots me manquent que les photos de son visage sont nécessaires ici aussi. Je ne peux pas résister. Je prends les images, je les affiche en plein écran et j'essaye de comprendre ce que me disent les yeux d'enfant que je regarde dans la pénombre, pendant qu'au dessus mes enfants dorment dans les étages. Ce qui me vient c'est l'archaïsme de la photographie, proche de ces mains négatives dont le contour se dessinait sur les parois de Pech-Merle. Je ne comprends pas tout mais le désir de se tenir silencieux et vivant face aux photos est aussi archaïque que la prise des images, projection d'une ombre et des lumières qui l'entaillent. Juste un peu de chair restituée, le grain de la peau regardée et dessous tout le sang dont on sait l'existence, à la surface seulement le tremblement. Le reste est encore hors de portée, entassé à l'intérieur d'un halo incompréhensible sans le poème de Hasuo :

Tout en larmes

Assis il raconte
Sa maman l'écoute