Le corps exprime, mais il risque d'obséder l'âme au point de l'ensevelir en la faisant s'oublier elle-même. Une âme qui se laisse gouverner par le souci de son corps n'a plus aucun répit, aucun loisir. Le corps devient l'objet exclusif de ses préoccupations, la source unique de ses affections, de ses valeurs, et même de ses connaissances. S'en séparer veut dire mettre le corps à distance, substituer à une communion qui est consentement et confusion un rapport structuré par la gymnastique, la musique ou la médecine, ces arts élaborés par l'âme pour réduire le corps au silence et le rendre docile. Obscur et rebelle, mon corps est un tyran qui peut m'ensorceler, me pousser à lui prêter des désirs fictifs et fantasmatiques. Toute tyrannie est d'ailleurs pour Platon la prise de pouvoir du corps sur l'âme (...) La question de savoir ce qu'est un homme est posée en ces termes : sur quoi est-il capable d'agir, de quoi est-il capable de pâtir ? Et la réponse est qu'être humain, c'est être capable de comprendre et d'être transformé par ce que l'on comprend. Quand elle pense et tant qu'elle pense, l'âme nous dégage de l'horizon imposé par le corps, borné par le fait de vivre et de mourir. L'âme pensante ouvre un autre espace, ou librement se mouvoir.
Monique Dixsaut, in Philosophies magazine, page 40, N° juillet-août. Dossier âme & corps. En rebond à Platon, selon qui l'âme doit prendre ses distances avec le corps.