Pour faire entendre le texte de Saint-Ex, je propose ce premier extrait qui reprend une thématique chère à tous ceux autour de moi qui travaillent une forme vivante, artistique, et qui savent qu’il n’y a pas de réussite dans ce domaine sans un travail inlassable dans le sens de l’épuration. Le commentaire de mon ami Francis allait dans ce sens récemment...
Il semble que tout l’effort industriel de l’homme, tous ses calculs,
toutes ses nuits de veille sur les épures, n’aboutissent comme signes visibles, qu’à la seule simplicité, comme s’il fallait l’expérience de plusieurs
générations pour dégager peu à peu la courbe d’une colonne, d’une carène, ou d’un fuselage d’avion, jusqu’à leur rendre la pureté élémentaire de la
courbe d’un sein ou d’une épaule. Il semble que le travail des ingénieurs, des dessinateurs, des calculateurs du bureau d’études ne soit en apparence que de polir ou d’ effacer, d’alléger ce
raccord, d’équilibrer cette aile, jusqu’à ce qu’on ne la remarque plus, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus une aile accrochée à un fuselage mais une forme
parfaitement épurée, enfin dégagée de sa gangue, une sorte d’ensemble spontané, mystérieusement lié, et de la même qualité que celle du poème.