Voilà que l'Automne arrive et que l'on en est à la deuxième année de cette crise sans précédent depuis la dernière guerre mondiale. Heureusement, nous disent nos loyaux représentants politiques, le problème est en voie de règlement et de résorption. Pour le moment, seuls les financiers les croient, pour la bonne raison qu'ils sont à l'origine plus ou moins, de ces paroles de réconfort économique. Tout va bien, laissons les reprendre leur gavage de profits, désormais accompli sur fonds publics, ce qui creuse démesurément les dettes, ce qui entrainera inéluctablement des hausses d'impôts et la réduction des dépenses sociales, avec effet induit d'enfoncer encore un peu plus les catégories populaires et la consommation, donc d'aggraver la crise.
Mais pour qui veut bien prendre la peine de se renseigner, le regard se porte vite vers le large et abandonne les malheureux premiers noyés qu'a laissé la première vague du tsunami financier. Il s'avère en effet que la situation du système est encore pour le moins fragile et sujette à caution, pour euphémiser.
Non seulement les actifs toxiques sont toujours aussi opaques à toute recherche, dénombrement et traitement curatif, à tel point qu'on préfère les glisser sous le tapis en enjolivant les comptes à coup de changement de règles comptables, ou les ensevelir sous les liquidités accordées sans compter par les banques centrales, mais de l'autre côté du système, le chômage augmente implacablement, alimenté par les défaillances d'entreprises en hausse, alimentant l'insolvabilité qui pousse les banques à la faillite, fragilisant encore plus le monde de la finance. Le cercle vicieux se referme...
Les USA, instigateurs et principal moteur du capitalisme financiarisé qui domine le monde depuis le milieu des années 70 n'ont jamais été aussi près de mettre les deux genoux à terre : leur dette publique est faramineuse, les chinois qui en possèdent une large part s'en désengagent doucement mais fermement ; la dette privée est également arrivée à un point maximal, conséquence logique d'un tassement continu des salaires qu'il a fallu compenser par le crédit pour nourrir la consommation, pilier du système. Le pays n'a quasiment plus de marge de manoeuvre et ne compte plus que sur ses affidés (c'est à dire la quasi totalité des pays occidentaux, qui perdraient autant que lui à sa chute) pour cacher du mieux possible la vérité. Lucide mais funeste pari, notamment pour l'Europe qui, si elle s'en donnait les moyens pourraient échapper à un déclin inéluctable, à condition de tourner le dos à une orthodoxie économique dont la créature ne survit plus que par acharnement thérapeutique. Malheureusement et loin s'en faut, l'Union n'en prend pas le chemin et la ratification par l'Irlande du traité de Lisbonne pourrait bien être la dernière victoire à la Phyrrus des européistes avant liquidation totale du projet par obstination idéologique (celle qui a attaché depuis les origines, le boulet du libéralisme économique à l'Europe)
D'aucuns comptent sur la Chine pour sauver la forme actuelle du capitalisme. Quand bien même arriverait-elle à créer véritablement un marché intérieur, elle ne ferait qu'accélérer la chute de l'occident, du moins de ses populations, les multi-nationales elles pouvant tranquillement migrer où bon leur semble, ce qu'elles ont déjà largement fait du reste. En tout cas, nul espoir pour les occidentaux de développer leurs exportations grâce à la Chine qui a maintenant les moyens d'alimenter elle-même son marché, grâce notamment aux nombreux transferts de technologie consentis par les entreprises de l'Ouest et par ses propres progrès scientifiques et techniques.
Il semble que la domination de l'Occident se termine mais peut-on penser raisonnablement que cela ira sans heurts ?
Vouloir maintenir coûte que coûte le système est le pire des choix pour l'éviter alors que l'Occident a encore la force et les moyens en changeant de paradigme social et économique de peser sur un ordre mondial afin de l'équilibrer. Les propositions ne manquent pas afin de stabiliser le système financier depuis la nationalisation de certaines banques (dépôt et crédit) jusqu'à rendre inattractives les opérations financières exigeant des retours sur investissement trop élevés pour ne pas fragiliser l'économie réelle (notamment le financement par levier mais aussi les rendements actionnariaux supérieurs à 8% par exemple. Une mesure comme le SLAM de Frédéric Lordon va dans ce sens, tout comme la proposition d'interdiction des paris sur les prix de Paul Jorion)
Malgré tout il est bien difficile d'être optimiste aujourd'hui tant les relais politiques qui pourraient se saisir des alternatives proposées, à savoir la gauche en général sont au mieux en pertes de repères ou chroniquement entravés par une parcellisation et mésentente coupable, quand ce n'est pas totalement corrompus par des renoncements complets voire des sympathies envers les idéologies les plus libérales. La débâcle de la social-démocratie dont le score piteux du SPD allemand vient encore d'apporter un témoignage parlant, n'est pas à chercher plus loin que dans sa dérive à droite et son acceptation d'un monde au moment où il s'écroule. La victoire apparente des droites elles, si l'on écarte le chiffre pourtant crucial des abstentions, souvent des classes populaires résignées, n'est due elle, qu'au classique recours quasi pavlovien au maintien de l'ordre, alors que celui-ci est pourtant déstabilisé par les politiques néolibérales menées par les droites et gauches de gouvernement depuis trente ans. La logique des votes n'a parfois rien à voir avec la logique...
Le mur se rapproche donc et les espoirs de l'éviter s'amenuisent. D'un côté il semble qu'un monde nouveau ne soit pas possible sans l'effondrement de l'ancien, de l'autre comment ne pas vouloir s'épargner un chaos dont personne ne peux prédire les effets dévastateurs avant que la création ne reprenne le dessus. Guerre, dictature, les deux ?
Y a t'il aujourd'hui des courants de pensée philosophiques résolument novateurs qui pourraient porter une contestation, une révolution ? D'aucuns voudraient réssusciter ou plutôt redéfinir le communisme, le vrai, celui de Marx, celui que prend pour hypothèse plausible un Alain Badiou. Je n'y crois pas, à la fois intuitivement et en raison de contradictions ontologiques dans ce discours : comment le communisme peut-il naître de l'individu, même sous la contingence de nouveaux rapports de production (c'est à dire différents de ceux du capitalisme qu'on suppose effondré) ? Or le communisme étatique a prouvé sa toxicité. Pour ma part je tiendrais beaucoup plus à une sorte de néo-jacobinisme structurant, porté par ses valeurs morales transcendantes, soucieux de réaliser un équilibre (forcément fragile, temporaire, donc à renouveler, et bien imparfait) entre liberté et égalité, étendu à l'échelle du continent. Mais force est de constater que nul intellectuel à ma connaissance ne porte ce message aujourd'hui, ne cherche à explorer à nouveau le chemin de la troisième voie. La France avait presque réussi à la trouver mais la social-démocratie, notamment grâce à ses éléments les plus cyniques, comme Tony Blair, probable futur président du conseil si le traité de Lisbonne est entériné, s'est ingéniée à la pervertir.
La seule quasi certitude qu'il nous reste à ce jour est que le système est touché à mort. J'anticipe sa disparition, en mettant la crise en thème, sans en porter le deuil...
Quelques liens pour obtenir des informations et notamment des chiffres sur la poursuite de la crise (n'hésitez pas à lire les commentaires des articles, souvent très informatifs) :
http://www.pauljorion.com/blog/
http://blog.mondediplo.net/-La-pompe-a-phynance-
http://www.nouvellegauche.fr/blog/2009/09/29/comment-sortir-du-piege/
Nicks