Suite à une demande d’Interpol, la Suisse a procédé à l’arrestation de Roman Polanski à sa descente d’avion à Zürich. Un concert de protestations a alors retenti dans de nombreux médias. Trop souvent la justice se révèle ne pas être la même « selon que vous serez puissant et misérable » pour que l’on s’indigne ici du sort réservé au cinéaste qui avait admis avoir eu des relations sexuelles avec une mineure. Les pétitions signées par de nombreux metteurs en scène ou artistes sont indécentes. La célébrité, l’argent ou le génie, ne saurait tenir lieu d’indulgence plénière pour tous les péchés de leurs titulaires.
Notre Ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, s’est particulièrement distingué dans le chœur des protestataires. Serait-ce sa propre sexualité qui l’a conduit à manifester sa solidarité avec un collègue cinéaste accusé de relations particulières ? Quoi qu’il en soit, alors qu’il s’est montré prompt à dénoncer un visage de l’Amérique qui fait peur, qu’attend-il donc pour nous entretenir de celui de la Tunisie de Ben Ali, pays dont il détiendrait également la nationalité ?
Ceci posé, le cas de Roman Polanski pose un certain nombre de questions, que je ne ferai qu’évoquer ici :
- A quoi sert la peine appliquée à un coupable : à lui faire expier son crime, à protéger la société, à se substituer à la victime pour en finir avec la pratique immémoriale de la vengeance individuelle ? Dans ce dernier cas, appartient-il à cette victime d’absoudre le coupable ou est-ce à la société d’en décider afin de préserver le respect de ses lois ?
- Que signifie la prescription ? Afin de permettre à des victimes mineures d’obtenir réparation longtemps après un tel crime, il est normal de reculer pour celui-ci la limite de prescription. Mais comment expliquer que celui-ci soit imprescriptible alors que les crimes de sang, dont l’effet destructeur est total, puissent être prescrits ?
- La justice américaine semble surtout soucieuse d’efficacité. Mais la pratique de la mise en liberté sous caution, largement favorable aux plus aisés, la possibilité de négociation entre défense et accusation pour se dispenser de rechercher la vérité, la relative propension à prononcer des peines de mort sur la base de témoignages douteux, n’en font pas un modèle. Outre les nombreux condamnés à mort, dont certains avaient déjà été exécutés, reconnus depuis innocents grâce aux techniques nouvelles d’analyses ADN, vous souvenez-vous du cas de cette vedette de football, O.J. Simpson, accusé d’avoir assassiné sa femme et qui a pu être déclaré innocent grâce à la remarquable prestation de l’avocat que sa fortune lui avait permis de s’offrir ?
Tout ceci me conduit à cette dernière interrogation : qu’est-ce qui explique ce zèle soudain de la justice californienne à se saisir de Roman Polanski ? Obtenir que justice soit faite ou se « payer » une célébrité à la fois « polak » et « frenchy », qui avait eu l’audace de se soustraire à ce qui aurait été le revirement d’un juge ne respectant pas un accord conclu ?