Saisi en appel d’une ordonnance de référé liberté par le ministre de l’Immigration, le juge des référés du Conseil d’Etat estime que constitue une atteinte au droit fondamental d’asile le fait pour une préfecture de laisser un demandeur d’asile sans autorisation provisoire de séjour (APS), ni ressources ni hébergement pendant un mois.
En l’espèce, la requérante, une ressortissante soudanaise, arrivée en France le 8 août 2009, s’était présentée au guichet de la préfecture de l’Oise le 10 août 2009 pour solliciter son admission au séjour au titre de l’asile. Une simple convocation lui a alors été remise pour le 7 septembre 2009 alors qu’elle aurait dû bénéficier d’une autorisation provisoire de séjour lui permettant de déposer sa demande d’asile à l’OFPRA et d’obtenir soit un hébergement dans le cadre du dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile, soit, à défaut, un hébergement d’urgence et le bénéfice de l’aide temporaire d’attente.
Cette décision s’inscrit dans le prolongement de la jurisprudence Gaghiev, dans laquelle le conseil d’Etat avait dégagé le droit des demandeurs d’asile à bénéficier, pendant la durée d’examen de leur demande, de conditions matérielles d’accueil leur assurant une vie décente comme corollaire du droit d’asile, liberté fondamentale protégée par l’article L.521-2 du Code de la justice administrative (CE, réf., 23 mars 2009, n°325884 v. CPDH 31 mars 2009).
Par suite, le juge des référés estime que « l’autorité compétente, qui sur sa demande d’admission au bénéfice du statut de réfugié doit, au plus tard dans le délai de quinze jours prescrit (…) mettre le demandeur d’asile en possession d’une autorisation provisoire de séjour jusqu’à ce qu’il ait été statué sur cette demande (…) doit également, aussi longtemps qu’il est admis à se maintenir sur le territoire en qualité de demandeur d’asile et quelle que soit la procédure d’examen de sa demande, lui assurer, selon ses besoins et ses ressources, des conditions d’accueil comprenant le logement, la nourriture et l’habillement, fournies en nature ou sous la forme d’allocations financières ou de bons ou en combinant ces formules ; que si, notamment lorsqu’une première évaluation des besoins spécifiques du demandeur est requise ou lorsque les capacités de logement normalement disponibles sont temporairement épuisées, l’autorité administrative peut recourir à des modalités différentes de celles qui sont normalement prévues, c’est pendant une période raisonnable, aussi courte que possible, et en couvrant les besoins fondamentaux du demandeur d’asile ».
Le Conseil d’Etat fait néanmoins exceptions des étrangers qui sont passés en procédures prioritaires sur le fondement de l’article L. 741-4 CESEDA (”dublinés”, demandes abusives, etc.)
Le juge des référés fonde cette décision sur les articles 2 et 14 de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative à l’accueil des demandeurs d’asile et sur les dispositions du Code des étrangers et Code de l’action sociale et des familles (articles L. 348-1 et suivants) organisant l’accueil des demandeurs d’asile.
On notera que cette ordonnance du Conseil d’Etat couronne une série de procédures initiées par la Cimade tendant à obtenir l’hébergement des demandeurs d’asile dès leur première présentation en préfecture (v. notamment CE, 6 août 2009, M et Mme Q., N°330536 et N°330537. Voir CPDH 9 août 2009 ).
CE, réf., 17 septembre 2009, ministre de l’Immigration c / Mlle S., n°331950
Actualités droits-libertés du 6 octobre 2009 par Serge SLAMA
- Cimade, “Le Conseil d’Etat consacre le droit à l’hébergement des demandeurs d’asile dès leur arrivée en France”, 29 septembre 2009.