L’association Réseau d’alerte et d’intervention pour les droits de l’homme (RAIDH) avait demandé l’annulation d’une disposition du règlement général d’emploi de la police nationale (arrêté du 6 juin 2006) déterminant les conditions d’utilisation du pistolet à impulsion électrique dit « Taser » et du décret du 22 septembre 2008 étendant son utilisation aux agents de police municipale.
1° - S’agissant, de l’utilisation du « Taser » par des agents de la police nationale, le conseil d’Etat estime que les garanties apportées par les textes sont suffisantes.
La décision relève notamment que l’hypothèse principale d’emploi de cette arme est limitée aux cas de légitime défense, à l’encontre uniquement de personnes violentes ou dangereuses dont la neutralisation ne justifie pas le recours à une arme à feu. Par ailleurs, est prévu un dispositif de traçabilité de l’emploi de l’arme grâce à l’enregistrement des paramètres de chaque tir, assorti d’un dispositif d’enregistrement audio ainsi que vidéo résultant d’une caméra associée au viseur. Chaque utilisation de l’arme par un fonctionnaire de police doit en outre être déclarée et renseignée, les données de contrôle étant conservées pendant deux ans et faisant l’objet d’analyses et de vérifications périodiques. Enfin, les fonctionnaires doivent suivre une formation spécifique afin d’obtenir une habilitation personnelle pour le port spécifique de l’arme en cause.
Dès lors, selon le Conseil d’Etat, l’utilisation du Taser ne constitue :
- dans son principe, ni un traitement cruel, inhumain ou dégradant au sens des stipulations de l’article 3 de la convention européenne des Droits de l’Homme, de l’article 1er de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 ou de l’article 7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques - sauf « en cas de mésusage ou d’abus » - et ce alors même que le règlement CE n° 1236/2005 du Conseil du 27 juin 2005 range cette arme parmi les moyens susceptibles d’être utilisés pour infliger la torture ;
- son emploi ne constitue pas davantage une atteinte au droit à la vie protégé par l’article 2 de la CEDH dans la mesure où il est prévu qu’en conformité à cette disposition « leur utilisation doit demeurer limitée aux hypothèses légales énumérées par l’instruction d’emploi du 9 mai 2007 et, en tout état de cause, rester absolument nécessaire et proportionnée ».
- enfin, il n’affecte pas l’environnement au sens de l’article 5 de la Charte de l’environnement ni ne méconnaît les principes « d’absolue nécessité et de proportionnalité dans la mise en œuvre de la force publique » - dégageant pour l’occasio un nouveau principe de droit guidant l’action de la police.
2. En revanche, s’agissant de l’extension de son utilisation par la police municipale, le Conseil d’Etat l’estime illégale car aucun texte ayant valeur réglementaire ne prévoit la délivrance d’une formation spécifique à l’usage de cette arme ni aucune procédure d’évaluation et de contrôle périodiques. Les précautions d’emploi ne sont pas davantage précisées.
Le décret est donc annulé pour méconnaissance « des principes d’absolue nécessité et de proportionnalité dans la mise en œuvre de la force publique ».
Dans un communiqué de presse, le Conseil d’Etat insiste sur le fait que sa décision « ne remet pas en cause le principe de l’emploi de pistolets à impulsion électrique » mais uniquement leur utilisation par la police municipale faute d’encadrement suffisant. Il est précisé d’un nouveau décret remplissant ces exigences pourra, le cas échéant, être pris pour la rendre possible.
CE, 2 septembre 2009 ASSOCIATION RESEAU D’ALERTE ET D’INTERVENTION POUR LES DROITS DE L’HOMME (RAIDH) N° 318584, 321715
Actualités droits-libertés du 6 octobre 2009 par Serge SLAMA
- v. revue de presse et site du RAIDH
- v. le site d’Amnesty et son rapport sur le Taser
- Gilles Devers, “Tout savoir sur le Taser “, Actualités du droit, 2 septembre 2009
- “Taser France perd son procès en diffamation contre Olivier Besancenot” , Libération, 24/11/2008.
- Pétition Taser:
Monsieur le Président de la République,
J’ai appris par voie de presse et par le Réseau d’Alerte et d’Intervention pour les Droits de l’Homme, RAIDH, que le ministre de l’Intérieur s’apprête à équiper de pistolets électriques l’ensemble des brigades de gendarmerie et de police nationale et municipale
L’usage généralisé de cette arme qui délivre une décharge de 50.000 volts à une distance de 7 mètres sur toute personne appréhendée relève d’un véritable retour au châtiment corporel dans notre pays.
Les citoyens encourent douleur et risques physiques face à ce traitement cruel, inhumain et dégradant. L’usage de cette arme impliquerait nécessairement une escalade de la violence dans les rapports avec les forces de l’ordre. Le fait qu’un certain nombre de décès soit imputable à l’utilisation des armes électriques vendues comme non-mortelles, constituent autant de raisons pour lesquelles nous vous demandons que :
les armes à décharge électrique, notamment de type Taser, soient retirées et interdites à la vente libre, la Ministre de l’Intérieur, rende public le rapport sur l’expérimentation du Taser en France sur 130 personnes, remise par ses services et qu’il refuse de produire, l’équipement et l’usage de cette arme soient limités aux unités d’élite de la police et de la gendarmerie dans des circonstances exceptionnelles et strictement définies (détournement d’avion, prise d’otages,…).Electricité et justice n’ont jamais fait bon ménage. Cette arme a été interdite dans de nombreux pays. Je compte sur vous, Monsieur le Président, pour que la France ne régresse pas dans le respect des droits de l’Homme et interdise les armes incapacitantes à décharge électrique dans notre pays.
Les organisations sont priées d’adresser un mail et fonction du représentant en remplissant le formulaire de contact. La version papier est également téléchargeable.