Pas un mot à enlever ou à rajouter dans ce très intéressant article de Gonzalo Aragonés, publié dans le journal espagnol La Vanguardia et traduit par Courrier International.
Le musée Sakharov, à Moscou, est un lieu qui ressemble à son fondateur : libre. Mais "les jours du musée sont comptés" s'il ne trouve pas rapidement de nouveaux financements.
Un panneau présente des photos et des documents sur la répression stalinienne, le Goulag, en face de souvenirs des dissidents soviétiques. Une autre salle confronte la conquête de l'espace et la propagande avec la société civile de l'époque. Une partie de la salle des expositions du musée Sakharov est consacrée à l'époque moderne. En ce moment, on peut y voir des affiches et des caricatures du président de la Russie, Vladimir Poutine. Sur le mur opposé, plusieurs tableaux évoquent la journaliste d'investigation Anna Politkovskaïa, assassinée le 7 octobre 2006 par un tueur à gages. "Nous sommes le seul musée de Moscou à organiser des expositions de ce genre, à la fois critiques vis-à-vis du pouvoir et favorables aux droits de l'homme", explique le directeur, Iouri Samodourov. "Mais nos jours sont comptés."
Le musée Sakharov lutte tous les jours pour survivre. Ses actuels bienfaiteurs ont commencé à réduire leurs aides l'année dernière. Les 24 salariés de l'institution (dont la moitié travaillent à temps partiel) sont renouvelés d'un mois sur l'autre. Le budget 2007 s'élève à 250 000 dollars, "bien en dessous des 400 000 dollars nécessaires au fonctionnement du musée".
Ce lieu entend perpétuer la mémoire de celui qui est peut-être le plus célèbre des dissidents soviétiques, le physicien nucléaire et Prix Nobel de la paix Andreï Sakharov (1921-1989). Sa veuve, Elena Bonner, a fondé en 1994 les Archives Sakharov. Celles-ci et le musée, ouvert en 1996, sont hébergés dans le bâtiment où a vécu le couple avant d'être assigné à résidence dans la ville de Gorki (aujourd'hui redevenue Nijni-Novgorod) pour avoir critiqué, en 1979, l'invasion de l'Afghanistan par l'armée soviétique et appelé au boycott des Jeux olympiques de 1980 organisés à Moscou. La mairie de Moscou a cédé le bâtiment au musée pour vingt-cinq ans. C'est la seule aide que le centre reçoive des autorités russes.
Les donations et apports privés provenant de Russie sont très faibles. "Les gens ont peur", affirme Samodourov en nous conduisant en dehors du bâtiment. Sur deux fenêtres, à l'extérieur, on voit clairement les impacts de plusieurs balles. "Nous avons découvert ces impacts peu de temps après avoir inauguré l'exposition sur les affiches de Poutine." En 2003, l'une des expositions du musée a déclenché un tollé. "Attention : religion !" a suscité des protestations de la frange la plus radicale de l'Eglise orthodoxe : Samodourov et un autre salarié ont dû payer une amende. Des groupes radicaux ont manifesté devant les portes du musée en mars dernier pour exiger la fermeture de l'institution.
Par le passé, des organismes comme la Fondation Soros, la Fondation Jackson ou la Fondation Russie ouverte (créée par l'ancien patron de Ioukos, Mikhaïl Khodorkovski, aujourd'hui emprisonné) ont apporté des fonds au musée. Même Boris Berezovski, l'oligarque qui a aidé Poutine à arriver au pouvoir et qui vit aujourd'hui en exil volontaire à Londres, ennemi déclaré du Kremlin, a fait un don de 3 millions de dollars en 2000 au musée, lors de la dernière crise qu'a connue cette institution.
О трудностя музея имени Сахарова в Москве