Docteur en psychologie du développement, psychologue clinicien et psychothérapeute, Didier Pleux nous propose ici un "livre d'éducation qui ose remettre
en cause l'héritage de Françoise Dolto".
Qui (de ma génération) n'a pas écouté, dans les années 1970, avec attention, voire une sorte de passion fiévreuse, l'émission radio "Lorsque l'enfant paraît" ?
Qui n'a pas lu avec avidité "La cause des enfants" et "La cause des adolescents" (qui ne peuvent exister, en tant que tels, sans "crise") ?
Près de quarante ans après, force est de constater que le résultat n'est pas bien fameux.
Et c'est d'autant plus grave, d'autant plus préoccupant que la psychanalyse appliquée à l'éducation (le "doltoïsme", donc) s'est infiltrée partout, dans tous les rouages de la société française
(les Médias qui, nous apprend-t-on, sont le repaire de nombreux ex - étudiants en psychologie, les écoles, les crèches, les CMPP et Centres sociaux, les tribunaux pour enfants, "l'enseignement en
médecine et en psychologie")
Total : le rôle des parents a été presque complètement effacé (toute autorité, voire présence - parentale étant devenue hautement "suspecte"), on a fabriqué toute une "génération Dolto" d'enfants
qu'il ne fallait "frustrer" à aucun prix et qui étaient censés se construire tout seuls, selon leur "bon plaisir", d'adolescents rebelles et paumés guettés par la psychopathie ou, à tout le moins,
totalement fragilisés psychologiquement et donc inaptes à encaisser les inévitables rugosités du monde réel, les limites qu'imposent forcément la vie avec les autres, et pour finir, d'adultes de
plus en plus auto-centrés et immatures, comme atteints du "syndrôme de Peter Pan" si cher à Michael Jackson.
Conséquence : le lien social devient de plus en plus problématique, sans parler du lien inter -générationnel...
Françoise Dolto, nous explique Didier Pleux, a surgi à point nommé, juste au moment où il fallait, portée par la grande vague libertaire des idéaux soixante-huitards. L'auteur est tout à fait
enclin à reconnaître qu'elle a eu, à cette époque-là, un effet salutaire en dénonçant avec force l'autoritarisme rigide de l'éducation "vieille France" ou "seule comptait la parole de l'adulte".
Elle s'est penchée sur l'enfant et sur le jeune, ces être si longtemps méprisés, soumis aux tyrannies familiales les plus étouffantes.
Mais Didier Pleux est persuadé que, dans la foulée, emportée par son élan idéaliste et par son formatage psychanalytique qui la rendait fort peu pragmatique, elle est devenue "excessive" en
entreprenant de faire de l'éducation une affaire freudienne.
L'enfant, nous cesse de nous marteler Dideier Pleux, a un impérieux besoin de limites, de CONTRAINTES : "je ne crois pas que le tout-petit ait la capacité de symboliser comme le prétendent les
théoriciens de la psychanalyse"; "L'enfant est le plus souvent attaché à ce qu'i voit, à ce qu'il comprend", il a une "structure de pensée très concrète, peu formelle (et c'est normal à ce stade de
ses facultés opératoires)", "plus primitive" que la "pensée complexe" de l'adulte. Les concepts de "sens caché", de "réalité inconsciente de l'enfant" sont fumeux; "Frustrer revient bien souvent à
dire à l'enfant "non tu n'es pas tout seul" ", c'est la "frustration qui génère le vrai désir".
"N'est-ce pas là une des dérives de la psychanalyse, cette unique quête de "Soi" qui dérive vers un Moi, Moi, Moi ?"; "Le parent connait mieux la vie que son enfant. L'adulte sait mieux la réalité
que l'enfant".
A force de doltoïsme à tout crin, les parents sont devenus démissionnaires, passifs, presque honteux de leur propre présence.
"S'il se veut éducateur, il [e parent] se doit, au contraire, d'avoir une attitude "active-modifiante", il doit s'autoriser à guider, à transmettre, à instruire, à exiger, à contraindre et à
devenir parfois conflictuel pour aider l'enfant à différer son principe de plaisir" et donc, à sortir de l'impulsivité du "tout tout de suite".
Didier Pleux se réclame de Rousseau, de Piaget...et, surtout, du "bon sens".
Il dénonce une société française devenue complètement "prisonnière de la psychanalyse", théorie érigée en "dogme" (et qui plus est loin d'être validée scientifiquement; là, Didier Pleux cite Karl
Popper).
Il tire la sonnette d'alarme : l'Hyper-ego tue le lien social, et enferme l'Homme dans la solitude.
Alors, Dolto (involontairement) responsable du fait que les Français (de nature déjà frondeuse et assez querelleuse) soient devenus de plus en plus insupportables ?
En France, sans doute par conservatisme foncier, par intellectualisme et par amour du Verbe, on se cramponne à un mode de pensée qui est, dans le reste du monde, de moins en moins pris au
sérieux.
Combien de temps encore cela durera-t-il ?
Qui vivra verra.
P.Laranco.