La lecture par Thomas Carlyle

Publié le 06 octobre 2009 par Eogez

Thomas Carlyle est un nom ne vous probablement rien. C’était mon cas encore hier après-midi. J’ai appris son existence par un tweet de @fenice. Ce monsieur, satiriste et historien écossais, a rédigé une lettre à l’un de ses étudiants qui lui demandait des conseils de lecture. Je vous ai reproduit cette lettre pleine de conseils et de remarques pertinentes. A mettre entre toutes les mains : celles des professeurs, des parents, celles des étudiants… Elle parle de développement personnel, de culture, de l’histoire des hommes…

Chelsea, Mars 1843

Cher Monsieur,

Votre lettre m’a été livrée il y a quelques temps; je prend littéralement la première demi-heure de libre que j’ai pour vous écrire une courte réponse.

Cela me donnerait une véritable satisfaction si n’importe quel conseil que je vous donnerai pourrait contribuer à votre honorable objectif de développement personnel, mais une longue expérience m’a appris qu’un conseil peut être profitable, mais très peu; et qu’il y a une bonne raison pour laquelle un conseil est si rarement suivi. Aucun homme ne connait bien l’état d’un autre; c’est toujours à un homme plus ou moins imaginaire que le plus sage et le plus honnête conseiller s’adresse.

Quant aux livres que vous – dont je ne sais que si peu – devriez lire, il n’y a quasiment rien de précis qui peut être dit. Premièrement, vous pouvez être conseillé énergiquement de continuer à lire. N’importe quel bon livre, n’importe quel livre qui est plus sage que vous-même, vous apprendra quelque chose – beaucoup de choses indirectement ou directement, si votre esprit est ouvert pour apprendre.

Ce vieux conseil de Johnson est aussi bon, et universellement applicable : “Lisez les livres pour lesquels vous ressentez honnêtement une curiosité pour les lire.” Le désir et la curiosité indiquent que vous, ici et là, êtes la personne susceptible d’en tirer du bien . “Nos désirs sont les pressentiments de nos capacités”. C’est une parole noble, d’un profond encouragement pour tous les véritables hommes; applicable à nos désirs et efforts en ce qui concerne la lecture tout comme pour les autres choses.

Parmi tous les objets qui vous semblent merveilleux ou beaux, suivez avec un espoir nouveau celui qui vous apparaît comme le plus merveilleux, et le plus beau. Vous trouverez au fur et à mesure, par de nombreux essais (des essais que vous réaliserez de manière honnête et courageuse, pas de manière ridicule, trop courte ou inconstante), ce qui est pour vous le plus merveilleux, le plus beau – ce qui est votre véritable élément, et serez capable d’en tirer profit. Le véritable désir, l’avertissement de la nature, se doit d’être tenté.

Mais ici, de plus, vous devez séparer avec précaution les vrais désirs et les faux. Les médecins nous disent que nous devrions manger ce pourquoi nous avons vraiment de l’appétit; mais de ce pour quoi nous n’avons qu’un faux appétit nous devrions résolument l’éviter. C’est très vrai; et les lecteurs inconsistants, décousus qui volent d’un livre idiot à un livre idiot, et ne gagnent quelque chose d’aucun, ne sont-ils pas aussi fous que ces mangeurs idiots, malsains qui confondent leurs faux désirs superficiels d’épices et de confiseries pour leur vrai appétit, qui n’est pas rassasié,car il se tient bien plus profondément, bien plus calmement, cherchant après de la nourriture solide et nutritive ? Sur ces images, je vous recommande le conseil de Johnson.

Une autre chose, et une seule autre, je dirai. Tous les livres sont au sens propre l’enregistrement de l’histoire des hommes du passé – quelles pensées les homme du passé avaient en eux – et les actions que les hommes du passé ont fait : le point commun de tous les livres quels qu’ils soient est là. C’est sur cette base que la catégorie de livres appelé Histoire peut être recommandé sans danger comme la base de l’étude de tous les livres – le préalable à une véritable et complète compréhension de tout ce dont nous pouvons nous attendre à trouver dans les livres.

L’Histoire du passé, et en particulier l’histoire du passé de son propre pays natal, devrait être conseillée à chacun pour commencer. Laissez lui étudier cela fidèlement; d’innombrables questions se ramifieront à partir de là; il aura une large voie dégagée, de laquelle tout le pays sera plus ou moins visible; puis en voyageant, laissez-le choisir où il voudra s’attarder.

Ne laissez jamais les erreurs et les mauvaises directions – dans lesquelles chaque homme, dans ses études ou ailleurs, tombe souvent – vous décourager. C’est un enseignement précieux à prendre que de trouver que nous sont sommes dans l’erreur. Laissez un homme essayer fidèlement, avec courage, d’être juste; il deviendra chaque jour de plus en plus juste. C’est, au fond, la condition par laquelle tous les hommes doivent se cultiver. Notre marche même est une chute permanente – une chute et une réception de nous-même avant que nous touchions le pavé ! C’est emblématique de toutes les choses qu’un homme fait.

En conclusion, je vous rappellerai que ce n’est pas avec les livres seuls, ou avec les livres principalement, qu’un homme devient en tout point un homme. Etudiez à faire fidèlement chaque chose , ici et maintenant, dont vous vous trouverez soit explicitement soit implicitement à charge – c’est votre poste; tenez-le comme un vrai soldat. Dévorez silencieusement ses nombreux chagrins, car toutes les situations humaines en ont beaucoup; et visez de ne pas le quitter tant que vous n’aurez fait tout, au moins, que ce qui vous est demandé.

Un homme se perfectionne en travaillant bien plus qu’en lisant. Il y a un groupe croissant d’hommes qui peuvent avec sagesse combiner ces deux choses – en travaillant vaillamment à ce ce qui est dans leurs mains dans leur sphère de temps présente, et qui se préparent cependant à faire des choses plus grandes, s’ils les rencontrent dans le futur.

Avec beaucoup d’encouragements,

Sincèrement,

Thomas Carlyle

  • 11 mai 2008 — Le Moulin @ paroles existe…