Loulou Hebdo de Maurice Roche

Par Florence Trocmé

Disparu en 1997, Maurice Roche laisse une œuvre protéiforme. Remarqué par Tel quel, il publiera quelques uns de ses livres dans la collection de la revue (Compact, Circus…). Il fut aussi un ami proche de Jean-Pierre Faye et la revue Change lui consacra une étude dans son N°5. Il n’y a pas d’inédits de Maurice Roche, précise Bruno Cany dans sa présentation. Il évoque aussi « l’obsession de la biographie » qui hantait l’écrivain, friand de correspondances, surtout avec sa mère. Jusqu’à ce qu’elle le rejoigne à Paris, il lui envoyait 1 carte postale par jour puis se mit à confectionner tout seul un journal hebdomadaire baptisé Loulou Hebdo et diffusé à un seul exemplaire, destiné, comme il se doit, à sa mère. Passage d’encres, avec l’accord de l’association des amis de Maurice Roche, publie ici, en fac-similé, les treize journaux ainsi réalisés. Écrits à la main, ils ont l’apparence d’un vrai journal, avec ses différentes rubriques – exception faite de l’éditorial –. Mais Maurice Roche y relate principalement sa vie quotidienne dans le Paris de l’année 1959. Rien de très littéraire, mis à part le roman-feuilleton la nuit de sable. Loulou Hebdo offre cependant un double intérêt, celui d’abord de restituer, à travers l’un de ses acteurs, quelques témoignages sur les échanges et rencontres qui animaient la scène culturelle parisienne de l’époque. Parmi ses fréquentations, on relève les noms d’Henri Pichette, Jean Paris (qui fut de l’aventure Change), Roger Giroux, René de Obaldia, Michel Butor, Edouard Glissant, Jean Laude… Le second attrait de ce journal, c’est qu’il constitue en quelque sorte l’atelier de l’œuvre rochienne. On y décèle ça et là des éléments repris par exemple dans Compact, comme l’utilisation de couleurs de texte différentes. Jean-Pierre Faye rappelle encore la croustillante anecdote de l’incipit de Compact qui figure aussi au début du feuilleton la nuit de sable : tu perdras le sommeil au fur que tu perdras la vue. Maurice Roche a beaucoup fait pour distraire sa mère. La rubrique « courrier des lectrices » n’existant pas dans Loulou Hebdo, on ne sait pas comment elle a pu réagir à autant de débordements. Peu de mères peuvent se vanter, en tout cas, d’avoir été les uniques destinataires d’un journal non moins unique.

©Alain Helissen.

 

Maurice Roche
Loulou Hebdo
isbn 2-913640-73-3 ; 25 €
Col. Trace(s), Passage d’encres