Pourquoi la Suisse s'en sort-elle mieux que la France ?

Publié le 05 octobre 2009 par Francisrichard @francisrichard
Depuis des années la France est déficitaire. Elle vit à crédit. Elle tire des traites sur l'avenir. N'importe quel ménage, ou n'importe quelle entreprise, qui se comporterait ainsi serait mis en faillite. Cela dure depuis 35 ans. Les Français se sont habitués à cet état de choses. Ils ne pensent même pas que l'Etat, multiforme et monstrueux, puisse engendrer autre chose que des déficits.

Pourtant il n'en a pas toujours été ainsi. Il suffit d'aller sur le site de l'INSEE et d'admettre que les chiffres publiés ne sont pas faux - ils enjoliveraient plutôt les choses. Le tableau 3.346 des déficits publics français (ici) des 50 dernières années est éloquent : le dernier exercice sans déficit remonte à 1974, quand Valéry Giscard d'Estaing a été élu président. Depuis il n'a fait que croître et embellir. En France l'économie n'est pas le moins du monde libérale depuis bien longtemps et l'interventionnisme de l'Etat est la règle, la liberté économique l'exception

Sous de Gaulle, puis sous Pompidou, entre 1959 et 1973, deux exercices seulement sont déficitaires : 1967 et 1968, mais le déficit ne représente alors que 0,3% et 1,1% du PIB. Aujourd'hui de tels résultats feraient saliver les hommes politiques dotés d'un peu de jugeotte. Mais, comme ils sont tout sauf raisonnables, ils ne paraissent pas autrement effrayés par leur gestion calamiteuse, et n'envient pas l'époque où une saine gestion était encore bénéfique pour tout le monde. Le déficit budgétaire a atteint 3,4% en 2008 et devrait  doubler en 2009... 

Dans ces conditions il n'est pas étonnant que la dette publique et que les prélèvements obligatoires aient tous deux augmentés, la dette publique n'étant rien d'autre qu'un impôt différé dans le temps. Si l'on en croit l'INSEE, la dette publique française, tableau 3.341 (ici), est passée en 20 ans, de 1978 à 2008, de 21,1% à  67,4% du PIB. A la fin du deuxième trimestre de 2009, il atteint même déjà 73,9% du PIB, plan de relance inutile - sans réelle diminution des dépenses -, d'un total de 65 milliards d'euros (ici), oblige. Et ce n'est pas fini...

Sur la période qui va de 1980 à 2008, le poids des prélèvements obligatoires est passé de 40,1 à 42,8% du PIB, toujours selon l'INSEE. Ce qui veut dire que l'on a ponctionné davantage mais que l'on a remis à plus tard le gros de l'effort pour éponger les déficits. Ce qui veut dire aussi que l'Etat n'a pas fait de cure d'amaigrissement et qu'il se porte mieux que les contribuables, présents et futurs, qui le nourrissent et qui l'engraissent.

Les Français sont habitués au chômage depuis longtemps. Depuis 1982 (ici) son taux n'est pas descendu en-dessous de 6,9%, en 1982 justement. Il a culminé à 10,9% en 1997. Il est remonté à 9,1% à la fin du deuxième trimestre de 2009. Comme ils se sont habitués à l'augmentation continue de la dette publique, les Français n'imaginent même pas qu'un pays puisse connaître un chômage en-dessous de 5%. Même quand l'économie repart le taux de chômage reste élevée en France. La gestion catastrophique des finances publiques n'est pas seule en cause. Est responsable également une protection sociale coûteuse et démesurée.

Comme le montre la courbe de la quote-part des déficits publics suisses dans le PIB (ici), cette quote-part est tantôt positive, tantôt négative. Cela résulte du fait que le frein à l'endettement est inscrit dans la Constitution fédérale (ici) :

Article 126 Gestion des finances

1 La Confédération équilibre à terme ses dépenses et ses recettes.

2 Le plafond des dépenses totales devant être approuvées dans le budget est fixé en fonction des recettes estimées, compte tenu de la situation conjoncturelle.

3 Des besoins financiers exceptionnels peuvent justifier un relèvement approprié du plafond des dépenses cité à l’al. 2. L’Assemblée fédérale décide d’un tel relèvement conformément à l’art. 159, al. 3, let. c.

4 Si les dépenses totales figurant dans le compte d’Etat dépassent le plafond fixé conformément aux al. 2 ou 3, les dépenses supplémentaires seront compensées les années suivantes.

5 La loi règle les modalités.

Autrement dit la Confédération doit équilibrer ses dépenses et ses recettes sur un cycle conjoncturel. Il ne peut pas y avoir de déficit structurel comme les keynésiens le préconisent. 
Il en résulte que l'endettement public [
ici tableau en bas de page] - Confédération, Cantons, Communes, Sécurité sociale obligatoire - est moindre. De 32,2 % du PIB en 1990 il est monté jusqu'à 55,3% en 1998, redescendu à 41,3% en 2008, pour redescendre cette année encore à 40% [voir ici l'article de La Tribune de Genève, d'où est tirée la photo ci-dessus], malgré la récession. Les recettes fiscales sont de ce fait contenues. Elles oscillent entre 31,2% du PIB en 1990 et 38,4% en 2003. Elles sont estimées à 37,2% en 2008.
Comparées aux 65 milliards du plan de relance français, les trois phases, à la mode suisse, de mesures de stabilisation, décidées, et réduites, par le parlement helvétique, sur proposition du Conseil fédéral, paraissent bien modestes, 2,1 milliards de francs au total (
ici), soit de l'ordre de 1,4 milliard d'euros, et c'est tant mieux. Comme je l'écrivais en avril dernier (ici) :

Les pays qui s'en sortiront le mieux seront ceux qui auront le moins relancé.

Enfin prenons le dernier indicateur qu'est le taux de chômage (
ici).  En 1998 le taux de chômage en moyenne annuelle était en Suisse de 3,9%. A partir de là ce taux est descendu à 1,7% en 2001. Il est remonté en 2008 à 2,6%. Du deuxième trimestre 2008 au deuxième trimestre 2009, le taux de chômage est passé ici de 3,4% à 4,1% (ici). Les conditions cadres de son économie y sont pour quelque chose. Et puis, trop de protection sociale, comme en France, tue la protection.
Comme on le voit les meilleurs résultats obtenus par la Suisse ne sont pas le fruit du hasard. Même s'il reste trop gourmand à mon goût, l'Etat y est bien moins rapace qu'en France et c'est la raison essentielle pour laquelle la Suisse se porte mieux que la France, complètement à la dérive. Le dernier renforcement de l'Etat pourrait bien finir par achever cette moribonde. 
Francis Richard