D’un sujet complexe, on fait un titre choc, ultra simplifié, orienté tout autant, véritable appeau aux réactions automatiques qui ne se font jamais prier.
Nous avons récemment eu un beau cas d’école (sic) avec l’affaire de l’expérimentation des cagnottes à Créteil pour stimuler l’assiduité des élèves.
Expérimentation que Le Parisien du 2 octobre résume à "De l'argent pour les bons élèves."
Il est certain que, présenté comme ça, on aura de l’outrage en veux-tu en voilà, majoritairement sur l’air du « chassons les marchands du temple ».
Oui, parce que l’Education Nationale tient finalement chez nous beaucoup moins du mammouth que de la vache sacrée.
C’est intouchable, on tourne autour, on chante ses vertus, on dénonce ses sacrilèges.
Attitude folklorique certes, distrayante sans doute, mais totalement vaine si on place non plus sur le plan de la métaphysique mais des résultats.
Lorsqu’il s’agit de penser le problème de l’éducation, je raisonne en mécréant.
Si on se pose comme objectif, simple, de fournir aux enfants plus de connaissances et de culture qu’ils n’en auraient eu dans leur milieu de départ, tout ce qui marche me convient.
De ce point de vue quelqu’un comme Esther Duflo aura certainement plus fait que ne le ferons jamais tous les Meirieu et Brighelli du monde pour que, bien pleines ou bien faites, les jeunes têtes ressortent de l’école le plus richement pourvues (sic) possible.
(Voici deux heures d’une conférence d’Esther Duflo consacrée à l’éducation, n’hésitez pas à regarder, c’est réellement passionnant, je vous assure.)
Au lieu d’arriver avec son idée de l’école idéale qui réglerait les problèmes pour les siècles des siècles, il me parait nettement plus constructif de tenter de procéder par petites avancées et l’étude des raisons pour lesquelles elles ont été possibles.
Et il se trouve que oui, parfois, dans certaines conditions les systèmes d’incitation par la récompense (sous forme de bourse, récompense directe à l’élève ou aux parentes) a un impact positif sur la présence en cours et les résultats scolaires.
On pourra m’objecter que ceci ne règle pas le problème du contenu des cours.
C’est vrai mais pour apprendre il faut déjà être présent et motivé pour l’être.
On me répondra sans doute encore que la motivation pécuniaire corrompt irrémédiablement l’élève mais ce serait retomber dans la métaphysique et je préfère raisonner brutalement.
Pour revenir aux cagnottes, le relatif succès de mesures similaires ailleurs n’est évidemment pas une garantie qu’il en aille de même à Créteil.
Mais, si les barrages sont érigés avant même que l’expérience ne soit menée à son terme et correctement évaluée, comment avoir une chance, jamais, d’améliorer quoique ce fut ?
Au fond, c’est peut-être justement ça, le principe de l’expérimentation même, que ne supportent pas nos experts autoproclamés.
Si des propositions sont testées et évaluées, il deviendra plus difficile de gloser en toute liberté sur ce que devrait être un système parfait ?
Insupportable, il est vrai.