Ce matin, à propos d'un procès et d'un témoin (le général Rondot), le journaliste a employé le terme "graphomane" décrivant la facheuse manie d'un gradé du renseignement de tout noter, compulsivement. Et de m'interroger sur l'intérêt de tout ça. Ecrire pour quoi ? Pour soi? Pour les autres? Etre lu ? Se relire ? Témoigner ? Exister ?
Et si l'écriture se suffisait à elle-même, comme un moyen de coucher sur le papier, de manière ordonnée ou non, le moment. Le figer, l'enfermer entre des pages ou une clef USB. Si le simple plaisir des crépitements du clavier, du crissement de la plume sur le papier blanc n'appelait pas de suite: une publication, une mise en ligne. Ecrire comme on collectionne les moments. Comme un collectionneur qui n'a de plaisir que dans la quête et qui, une fois son butin amassé, n'en a que faire.
Chaque année, le vide-grenier de ma ville permet de se recueillir sur les livres en fin de vie, les best-sellers qui n'interessent plus personne, les livres pour enfants qui vieillissent, les auteurs démodés, les couvertures aux couleurs passées, les tranches jaunies, les bords cornés. Est-ce cela le destin de ces paroles qui ne veulent pas s'envoler et qui encombrent nos étagères et prennent la poussière du temps ? L'éternité des mots couchés sur papier blanc n'existe plus. Pas plus que celle des pages qui encombrent Internet, tous ces écrivains qui discourent comme moi, à longueur de blogs, et qui au final, sous une apparence communautaire, ne s'interesse qu'à eux. C'est à dire à personne.
Alors, une fois balayées les notions de partage, de gloire et d'éternité, la question se pose de nouveau: écrire pourquoi ? Et finalement, se dire qu'on ne se pose pas la question du pourquoi nous respirons, du pourquoi nous mangeons. C'est naturel. A moins que cela ne soit qu'une facheuse et perverse manie de ... graphomane.