La poêle antiadhésive, le sperme défaillant et la choucroute du lac Léman

Par Estebe

Coucou, les salmonidés lutins


Il paraît que les poêles antiadhésives contiennent une substance élégamment baptisée acide perfluoroctanoïque (ta mère), ou PFOA pour les intimes, qui provoquerait une baisse de la qualité du sperme. Osons une traduction imagée. Tu te fais des œufs au plat et les tiens se retrouvent à plat.
On notera que les «moquettes traitées antitaches» abritent, nous dit-on, la même saloperie, ce qui pourrait les rendre impropres à la consommation. Dans quel monde vit-on! Le danger se tapit partout, au fond de la Téfal et sous tes pantoufles.
Cela dit, nous autres mâles grisonnants, sommes probablement quelques-uns à nous ficher de la qualité de notre sperme comme de notre première casserole. Ben oui, du moment qu’il en reste quelques millilitres une fois de temps en temps, sa qualité, ma foi…
Certes, c’est égoïste. Il faudrait penser à la pérennité de l’espèce humaine, au vieillissement de la population, au financement des retraites et à tout ça. Mais quiconque a déjà faire cuire un pavé de lotte dans une poêle qui attache sait que ce genre de considérations humanistes ne pèsent pas grand-chose par rapport à un beau morceau de poisson pulvérisé par un ustensile débile.


C’est donc avec une poêle sévèrement antiadhésive que nous exécuterons cette choucroute du lac, en essayant de ne pas penser aux effets secondaires, par là-bas en-dessous, dedans le boxer.
Notre lac à nous, c’est donc le Léman. Il se peut que ce ne soit pas le cas de tous nos lecteurs, particulièrement ceux qui vivent outre-mer. Qu’ils aillent donc fureter dans leurs eaux douces de proximité pour dégotter de quoi nourrir leur choucroute. Les jolies chairs lacustres courent les ondes.


Pour quatre gulus à table, il vous faut 700 grammes de choucroute crue, deux brins d’estragon, un peu de crème, du blanc sec, deux filets d’omble chevalier, 200 grammes de filets de perche, deux filets de féra et deux filets de truite fumée (ou mieux, du brochet fumé). Votre poissonnier, ou pêcheur se fera un plaisir de lever tous ces filets. Et en riant, encore. Brave homme. Tiens, s’il a des écrevisses en stock, glissez en donc un bouquet dans votre cabas.
Pour la choucroute. Rincez une fois le chou presto et installez-le au fond d’une casserole avec quelques grains de genièvre, du cumin en cascade, six feuilles de laurier, un morceau de lard (juste pour le goût, on le poubellisera ensuite), un tour de moulin à poivre, un gros verre d’eau et un petit verre de vin blanc. Touillez. Faites cuire tout doux à couvert, en zieutant de temps à autre s’il reste du liquide.

Pour les poissons. Poêlez-les à la queue leu leu, à feu nourri, dans une bonne noisette de beurre et une larme d’huile d’olive. Deux minutes côté peau et une minute côté chair, pour l’omble et la féra. Une minute côté peau, puis trente secondes côté chair, pour les perches. Assaisonnez. Puis gardez le tout au chaud, sous une feuille d’alu, à 50° au four.
La truite fumée, elle, ira simplement se réchauffer sur la choucroute, à couvert, dix minutes avant le miam.

Pour la sauce.
Pas très light, la sauce. Mais pour une fois… Faites blondir une échalote hachée au fond d’une casserole, ajoutez un déci de blanc sec, faites réduire drastiquement. Puis ajoutez une grosse cuillère de crème, une noisette de beurre, l’estragon émincé, sel et poivre. Goûtez. Remettez sur le feu tout cool.

Acte final.
Virez le lard et le laurier. Tranchez en deux les filets de truite, féra et omble. Coiffez la choucroute avec les poissons. Servez la sauce à part. Et débouchez un grand vin, blanc et naturel, minéral et subtil, venu de l’un de ces vignobles qui mamelonnent gentiment entre Chalon et Beaune.


Bien à vous
PS: Il est d’usage de proposer quelques patates vapeur avec la choucroute. Pourquoi pas? Ajoutez donc un kilo d’amandines à liste des commissions. Et toc.