Steven Soderbergh aurait-il un coup de mou?
À la lecture de ce passionnant entretien qu'il accordait aux Inrocks, on peut se poser la question:
"Prenez Godard. Il a fait, et continue de faire, des choses très intéressantes, dont je ne soupçonnais même pas l’existence avant qu’il ne me les montre. Son dernier film, Notre musique, est une merveille d’inventivité, alors qu’il a plus de 70 ans. Mais combien de gens apprécient cela ? Les spectateurs sont habitués à une grammaire, à un langage, et dès qu’on leur montre autre chose, ils refusent. C’est triste mais c’est ainsi. Une des raisons pour laquelle je prépare ma sortie, c’est que je me vois proche de la ligne d’arrivée. Je ne vois pas ce que je peux encore faire de neuf."
Moins flamboyant qu'un Tarantino mais plus que les Coen, moins décalé que Paul Thomas Anderson mais plus que Gus Van Sant, plus prolifique que tout le monde, Soderbergh fait pourtant tout autant partie qu'eux de cette génération qui bouleversa le paysage du cinéma américain dans les années 90. Mais c'est contrairement à ses collègues qu'il a construit son oeuvre sans souci apparent d'unité, en tout cas de style (The Limey, Ocean's Eleven, Solaris, Bubble, The Good German, Che, The Girlfriend Experience...) pour peut-être devenir un des auteurs les plus riches de notre époque, un de ceux qui tournent autant qu'ils réfléchissent à leur art avec acharnement.
Réussis ou pas, ses films sont en tout cas, chacun à leur façon, de nouvelles pierres posées sur l'édifice de l'inventivité, faisant continuellement avancer les choses sur le bon vieux principe de l'essai-erreur. Le savoir "fatigué", taraudé par l'idée qu'il n'aurait rien de neuf dans sa besace, a quelque chose d'inquiétant. Mais sachant que dans la même entrevue, l'homme ne peut s'empêcher de vendre la mèche de ses 3 prochains projets (une comédie musicale autour de Cléopâtre en 3D!, une biographie de Liberace et Knockout, un thriller), la vitalité du cinéma américain a peut-être encore de beaux jours devant elle. Il ne faut jamais crier au loup.