Michael Ignatieff
Rien ne va plus au Parti libéral du Canada (PLC). Alors qu’il y a à peine trois semaines l’on conjecturait sur les chances que le chef Michael Ignatieff renverse le gouvernement conservateur, voila que les courbes des sondages se sont soudainement inversées et que la bisbille est installée entre Denis Coderre et l’entourage du chef. L’objet de la discorde : la candidature de l’ex ministre Martin Cauchon dans la circonscription d’Outremont en vue des prochaines élections fédérales. Or, non seulement Denis Coderre a-t-il quitté son poste de critique et de lieutenant du Québec, mais il se livre depuis une semaine à un déballage médiatique grotesque et à une charge à peine subtile contre le leader libéral. Force est d’admettre que de plus en plus, le député de Bourassa se comporte en vrai kamikaze !
Fidèle, mais…
Il y avait quelque chose d’ironique à entendre Denis Coderre réaffirmer, suite à l’annonce fracassante de sa démission (et encore hier soir à Radio-Canada), sa fidélité envers Michael Ignatieff et le Parti libéral. Fidélité exprimée un moment alors que quelques secondes plus tard, il s’en prenait à l’ « entourage de Toronto » qui dirigerait en sous-main le PLC, ouvrant la porte toute grande aux attaques du Bloc et du PC qui ne manqueront de jouer de la fibre nationaliste québécoise. Il en remettait cette semaine en acceptant de participer, jeudi dernier, à l’enregistrement de l’émission Tout le monde en parle, ratant de ce fait la motion de censure présentée par l’opposition officielle à la Chambre des communes. Non seulement aura-t-il manqué à son rôle de député sur une question essentielle pour la crédibilité du PLC en chambre, mais tout cela pour aller continuer de déballer sur la place publique les problèmes internes de son parti. Le bon sens politique veut que lorsque l’on se dit fidèle à un parti et à un chef, d’autant plus lorsque l’on a le flair politique de Denis Coderre, l’on se tait et on prend le rang ou du moins, on tente de le resserrer. C’est exactement l’inverse que le député de Bourassa est en train de faire et sa tactique ressemble de plus en plus au bon vieil adage : « après moi le déluge ! ». La politique n’exige pas le silence béat d’un député lorsqu’une situation ne lui convient pas. Cependant, Coderre n’exprime en rien présentement un problème existentiel ou d’intégrité à l’égard de la chose publique et de son parti. Il tente tout simplement de soigner son amour-propre. Il y a une limite où la personnalité et l’égo d’une personne ne peuvent prendre le pas sur le bien d’une formation politique. Le PLC a existé avant Denis Coderre, depuis la Confédération, il peut très bien vivre sans Denis Coderre. Le politicien avait d’ailleurs eu une chance de démontrer sa loyauté envers son chef et de rallier les troupes hier au congrès de l’aile québécoise de son parti à Québec… il brillait par son absence.
Une question de leadership
Le problème Coderre est désormais entre les mains de Michael Ignatieff qui subit sa première crise de leadership depuis sa nomination à la tête du Parti libéral. Déjà, son incapacité à trancher sur la question d’Outremont aura gravement atteint sa crédibilité auprès des Québécois et des Canadiens. Son appel à la loyauté, hier à Québec, était bien symptomatique de l’état d’esprit qui règne en ce moment au sein du parti. Si Denis Coderre devait continuer la même partie et en remettre davantage cette semaine, c’en serait trop. La question serait claire : ou bien Ignatieff agi en chef de parti et expulse le lieutenant déchu, ou bien il porte flanc aux attaques conservatrices sur son leadership, à l’instar de Stéphane Dion avant lui, abandonnant de ce fait ses ambitions de premier ministre. Au final, Michael Ignatieff aura peut-être tout raté parce qu’au rythme où vont les choses, Coderre orchestre lui-même son suicide politique et n’aura pas laissé le loisir à son chef de lui montrer la porte de sortie et d’agir pour une fois, en leader responsable …