ACDL fait sa rentrée et souhaite mettre en avant chaque semaine un ou plusieurs ouvrages qui paraîtront ou qui sont parus dans le cadre de la rentrée littéraire.
Un roman dans un roman. Tel pourrait être le résumé du nouveau livre de Nicolas Fargues, Le Roman de l’été (P.O.L).
John, 55 ans, a pris une retraite anticipée et s’installe au bord de l’océan, dans la maison de son défunt père dans le but d’écrire un roman. Facile en apparence, jusqu’au moment fatidique où il faut s’asseoir en face de ses feuilles blanches, le crayon à la main. Sur quoi écrire au juste ? Qu’est-ce qui fait qu’un roman est bon ?
Sur une toile de notre époque, Nicolas Fargues, ou plutôt John, dépeint la société de consommation, qui, il le dit lui-même, le fascine, avec des gens simples, ayant des vies simples, et des pensées quotidiennes ancrées dans le réel, un réel plutôt morne. Ces bouts de vie nous touchent : Marie, la fille de John, 25 ans, s’ennuie avec Hubert, son petit ami parisien pseudo-rocker. Jean, le voisin de John a un rêve : intégrer au mur de son salon une fenêtre pour voir l’océan, mais pour cela il faut l’accord de John, dont le jardin donne contre ce fameux mur. Frédéric, le fils de Jean, est marié à un véritable tyran, enceinte qui plus est, mais arrive à s’échapper de son quotidien morose le temps d’un vol en parapente.
Dans cet espace/temps similaire au notre, Nicolas Fargues questionne l’écriture : « Comment, par exemple, écrire sans platitude ce que je viens de penser là ? Avec quels mots ? Et en commençant par quoi ? Pourquoi certains arrivent à donner l’impression que c’est si simple ? Qu’ils peuvent se permettre d’écrire n’importe quoi, d’écrire comme ils parlent, d’écrire comme ils respirent : ça donnera toujours de la littérature ? Comment écrire sans paraître convenu ? Sans se référer à des formes littéraires déjà éprouvées ? Comment faire table rase de toutes ses influences, de tous les tics de langage de tout le monde pour laisser venir ses propres mots ? Comment être soi-même tout en s’assumant héritier d’un langage universel ? ».
Outre ces intermèdes de réflexions, l’humour et le cynisme sont de rigueur : Nicolas Fargues attache beaucoup d’importance à l’attitude, la posture de ses personnages, et c’est ainsi que le lecteur se positionne en observateur, il s’incruste dans leurs pensées, et le narrateur se charge de disséquer chaque parole ou geste afin d’en faire une analyse. L’auteur campe dans des préjugés et clichés, pour mieux les dénoncer sûrement : le parisien un peu snob, le campagnard étroit d’esprit et pas très maniéré, le jeune homme de la banlieue, le jeune parisien bourgeois bohème, etc…
Après avoir refermé le livre, on pense « habile ».
Le roman de l’été, Nicolas Fargues. Edition P.O.L, Paris. ISBN : 2-84682-333-3. 19,50euros.