L'état prétendant "moraliser le capitalisme", voilà qui ne peut
qu'étonner tout observateur objectif de la vie publique française
depuis de trop nombreuses années. L'état peut il lui même se prétendre
moral ? Et peut-il garantir la "moralité" des actions de la société
civile ?
Offensive étatiste sur le capitalisme
Profitant de la crise actuelle pour exciter les penchants
anti-capitalistes d'une partie de l'opinion, nos gouvernements, au
niveau national, ou mondial, prétendent prendre des mesures visant à "réformer" le
système financier, et à le rendre plus "moral". Sont visés
les "paradis fiscaux",
qui permettent aux banques d'amoindrir le racket fiscal pesant sur
leurs clients, les bonus des traders, dont le rôle dans le
déclenchement de la crise est pour le moins difficile à définir (j'y
reviendrai un autre jour), réglementer les "hedge funds", qui
n'ont joué absolument aucun rôle dans le déclenchement de la crise, et
ainsi de suite. Naturellement, l'entreprise de "moralisation" menée
par l'état ne prétend pas s'arrêter au secteur financier mais s'étendre
à tout le "capitalisme", qui serait par essence sauvage et indifférent
au sort de l'individu et de l'environnement, et qui, suprême inconvenance, essaie de réduire sa facture fiscale par tous les moyens.
Le capitalisme est amoral
Que
ces personnes se conduisent "moralement", ce terme restant à préciser, et alors les outils du capitalisme seront
majoritairement utilisés à des fins morales.
La vision de Comte Sponville induit donc que ce n'est pas le
capitalisme, qui n'est qu'une forme d'organisation de la propriété des
outils de production, qui est porteur de moralité ou d'immoralité en
lui même, mais le cadre culturel et institutionnel dans lequel les
capitalistes évoluent.
La moralité des capitalistes sera-t-elle mieux garantie par une économie dirigée, où l'état oriente les décisions des agents économiques, ou dans un cadre plus libéral, où il se contente de sanctionner les manquements aux grands principes d'honnêteté et de responsabilité décrits, entre autres, par la déclaration des droits de l'homme de 1789 ?
Erreur de casting ?
Le capitalisme aurait pour conséquence, nous
répète-t-on en boucle, le déclenchement d'épisodes de crise, laissant
derrière lui malheureux par millions, destructions environnementales,
enrichissements obscènes de quelques uns. Immoral que tout cela, l'état
doit s'en mêler. Moraliser, à tout prix: telle est la nouvelle mission
dont les hérauts de l'état s'auto-investissent.
Problème: maintenant que vous savez qui ils sont, confieriez vous votre
argent à une banque dirigée par Stavisky ou Maddoff ? Confieriez vous
le baby-sitting de votre fille à Roman Polanski ? Et bien, vous ne
seriez pas plus inspirés en confiant aveuglément la "moralisation" du
capitalisme à l'état.
Et cela pour plusieurs raisons: L'état, de par son mode de fonctionnement,
encourage l'immoralité en son sein, et l'état introduit de l'immoralité
dans l'économie lorsqu'il la sort de son cadre libéral pour en faire
une économie dirigée, c'est à dire co-gérée avec certains capitalistes
qui partagent son immoralité.
L'immoralité des hommes
de l'état
En terme de moralité, les hommes et femmes de l'état n'ont pas brillé
par une exemplarité sans faille au cours de l'histoire. Rois, empereurs
et régents ont consciencieusement dépensé et guerroyé, ruinant la
France pour entretenir des cours dispendieuses et assouvir leur rêves
de grandeur. Beaucoup plus près de nous, la classe politique actuelle
s'est illustrée par des comportements immoraux en de nombreuses
occasions, des plus anecdotiques aux plus atroces par leurs
conséquences. Sans vouloir écrire un livre, que dis-je, une
encyclopédie de l'horreur étatique, revenons tout de même sur quelques
unes de ces méconduites, représentatives de ce dont l'état est
capable.
Au plan personnel, nombreux sont les politiciens à traîner, comme on le
dit parfois vulgairement, de grandes casseroles. Un pays où les deux
candidats au second tour de l'élection présidentielle pouvaient être
légitimement accusés (cf.
révélations du canard enchaîné) de sous-déclaration
flagrante de leur patrimoine immobilier au titre de l'ISF, donc de
fraude fiscale, sans que la justice ne lève le petit doigt, alors
qu'elle harcèle les petits propriétaires du Lubéron ou de l'île de Ré
dont la valeur de la maison a été artificiellement
gonflée à cause de politiques publiques, ne peut prétendre
avoir des institutions très morales.
Le soutien quasi impulsif et bruyant du premier parti de la majorité à
un cinéaste convaincu de viol sur mineure de 13 ans ne peut en aucun
cas passer pour un examen de moralité réussi pour notre classe
politique. Lorsque des journalistes curieux n'arrivent pas à comprendre comment de très nombreux
politiciens ont pu former un tel capital avec les salaires
régulièrement déclarés au cours de leur carrière, et que cela ne
suscite pas le moindre haussement de sourcils de la justice, la morale
semble bien loin.
De l'immoralité
personnelle à l'immoralité fonctionnelle
Mais, me direz vous, tout cela ne sont que turpitudes personnelles qui
ne sont pas spécifiques aux hommes de l'état. Certes. Mais ces hommes
et femmes toujours prompts à s'exonérer de leurs fautes commises dans
le domaine privé grâce à leur position au sein de l'état ne se montrent
pas plus "moraux" dans l'exercice de leurs fonctions.
Ce sont des hommes de l'appareil d'état qui ont froidement décidé de
mettre en circulation des poches de sang contaminé par le virus VIH,
pour de simples questions budgétaires, convaincus que leur position ou
leurs relations au sein de l'appareil d'état les exonèrerait de leur
responsabilité. Ce sont des hommes de l'état qui se sont auto-amnistiés
pour toutes les turpitudes qu'ils ont commises pour financer leur vie
politique si rémunératrice, jurant leurs grands dieux que les lois
nouvelles signifieraient la fin de ces abus. Et ce, pour que nous
découvrions quelques années après, au cours de nouveaux procès dont
seuls les lampistes furent jugés, que ces pratiques avaient continué
sous des formes différentes. Ce sont des hommes de l'état Français qui,
au nom d'intérêts de personnes proche des plus hauts échelons du
pouvoir, ont dans l'ombre oeuvré pour mettre en coupe réglée une partie
du continent africain, allant jusqu'à fermer les yeux et par là-même
encourager un génocide ethnique au Rwanda dont l'ampleur n'a eu d'égale
que dans les pires dictatures du socialisme brun ou rouge.
Je pourrais multiplier à l'infini de tels exemples d'immoralité de
l'action publique, et le mot paraît faible. Et même si cette immoralité
des hommes de l'état ne leur est pas propre, seule la puissance
coercitive des états leur donne la possibilité d'être aussi
destructrice. En outre, la protection que l'état octroie à sa
noblesse et sa cour de proches, garantie sinon d'impunité, du moins de
moindre capacité de la justice d'agir défavorablement à leur égard,
rend plus probable la rencontre avec l'immoralité.
La connivence immorale de
l'état et du haut patronat
Les hommes du haut de la hiérarchie de l'état, pour diverses raisons
qui tiennent généralement peu de l'altruisme ou de l'intérêt général,
recherchent l'association avec les grands patrons d'industrie, d'une
part parce qu'à titre personnel, la fréquentation de gens riches permet
de profiter d'un certain luxe, mais aussi et surtout parce que nombre
d'hommes aux plus hautes fonctions de l'état espèrent pouvoir quitter
son service pour entrer dans un de ces grands groupes capables
d'assurer à ses cadres dirigeants de très confortables émoluments. Peut
être nulle part ailleurs qu'en France, une telle consanguinité entre
les grands corps de l'état et les grandes entreprises du CAC ne s'est
développée.
Immoral, le ballet de chefs d'entreprise allant racler les fonds de
tiroirs publics alors que ceux-ci ne se remplissent plus que des dettes
de nos enfants, quels qu'en soient les intentions affichées. Au motif
de sauver le bâtiment, de promouvoir la construction verte, la voiture
électrique, le tramway, l'énergie prétendument renouvelable, quand bien
même la science supportant ces décisions n'en serait pas réellement,
tout est bon pour chasser les primes que l'état octroie en signant des
reconnaissances de dette dont on sait qu'un jour, il ne pourra plus les
honorer. Les lois soi-disant "pro-entreprise" que l'état vote, ou
enfreint, les attitudes qu'il adopte, non pas pour favoriser la libre
entreprise, mais pour protéger des entreprises amies de la concurrence
de nouveaux entrants, comme on peut le voir, par exemple, avec la
quatrième licence de téléphonie, ne sont pas plus morales. Ce ne sont pas des lois
"libérales", pro-marché, ce sont des lois "immorales", pro-clientèles.
Certes, le phénomène n'est pas franco-français. Il est mondial. Du
moment qu'un état se permet de prendre mille et un prétextes "d'intérêt
général" pour voler au secours d'un secteur avec l'argent du
contribuable, des abeilles s'agglutinent autour du pot de miel. De ce
point de vue, la vie politique américaine, présentée par nos étatistes
bien pensant comme le sommet du capitalisme ultra libéral, n'a plus rien de libéral, au sens classique du terme. Le capitalisme de connivence, le copinage
financier, y atteignent des sommets depuis le déclenchement de la crise
et l'élection d'une clique que nous qualifierons pudiquement de
néo-keynesienne.
Il n'y a qu'une vraie
morale, l'éthique libérale
Naturellement, l'état impute les résultats de son incurie au
"capitalisme sauvage", au marché "sans coeur", à l' "ultra libéralisme
sans éthique". Cela donne du grain à moudre aux idiots utiles de cet étatisme néo-féodal, alter-comprenants à qui l'état a inculqué, en
lieu et place d'intelligence critique, un psittacisme anti-libéral qui
protège l'état, justement, du retour en grâce d'une vraie
morale libérale qui mettrait en danger ses prérogatives.
Car il faut oser le dire dans la France d'aujourd'hui: la seule vraie
morale, du droit commun comme de celui des affaires, est l'éthique
libérale. Jacques de Guénin, président du cercle Frédéric
Bastiat, résume cette éthique en une seule phrase: "La morale
libérale est celle qui interdit à l'homme, libre de ses actes,
d'obtenir quoi que ce soit des autres par la violence, la coercition,
le vol ou la tromperie, qui l'oblige à respecter ses
engagements, et à réparer ses fautes".
Un entrepreneur qui réussit à proposer à ses clients des biens et
services répondant à des besoins à un prix que la clientèle est prête à
payer, en utilisant pour ce faire moins de ressources que la valeur
qu'il crée, accomplit un acte profondément moral. S'il réussit très
bien, il en récolte beaucoup de fruits. S'il réussit moyennement, il
vivra dignement mais sans luxe. S'il échoue, il perdra ses
investissements. Rien de plus moral que la réussite si le risque de
l'échec est présent, s'il n'a pas bénéficié de l'aide de la force
publique pour dominer ses concurrents, s'il a respecté ses contrats, et
s'il n'a commis aucun acte enfreignant la vie, la liberté ou la
propriété d'autrui.
La répartition des richesses qui découle d'un tel partage est le
résultat de milliards de décisions individuelles, prises en conscience
par des individus, d'autant plus libres qu'ils ont le choix. Choix des
produits qu'ils peuvent acheter, choix des fournisseurs, choix des
employeurs à mettre en concurrence pour obtenir le meilleur salaire
possible, liberté de s'associer pour peser collectivement sur certaines
négociations... Ce sont là les tenants de la société la plus libérale
et la plus morale qui soit.
Certes, dans cette société dotée d'un droit ontologiquement
profondément moral, peuvent évoluer des individus tentés par
l'immoralité. Lorsque ces individus causent préjudice à autrui, la
société doit se donner les moyens de faire cesser le préjudice, de
punir le coupable et de l'obliger à réparer ses fautes. Certains de ces
immoraux peuvent, par malice, échapper à la punition. Mais la société
n'est pas immorale pour autant.
L'état, fauteur de
transgressions immorales
En revanche, lorsque des individus transgressent le devoir moral
d'honnêteté et se servent de leurs relations étatiques, ou de leurs
positions au sommet de l'état pour échapper à de justes
sanctions, alors l'état, en leur apportant protection, devient
profondément immoral.
Dans une telle société, l'immoralité devient normale pour
obtenir de l'état toujours plus d'avantages, par la nuisance
et la corruption. Agriculteurs bloquant les routes pour plus de
subventions, fonctionnaires en grève pour obtenir toujours plus de
"moyens", lobbying actif de telle ou telle profession pour obtenir ici
un rabais fiscal, là une réglementation anti-concurrentielle, pots de
vins demandés par tel décideur pour arranger une affaire juteuse... Il
ne faut pas s'étonner qu'une part de plus en plus importante des
individus composant notre société en viennent à considérer normales les
violences anti-patronales, anti-bourgeois, anti-dhimmis,
anti-ogm, anti-libérales... L'immoralité de l'état suppure au sein de
notre société un néo-nihilisme violent qui la mine de l'intérieur, et
qui se retourne contre l'état, qui devient lui même la cible de ce
nihilisme, dans les cours de préfectures remplies de fumier ou dans les
banlieues-dortoir accueillant la police à coup de
Kalashnikov.
A fin immorale, moyen
honteux
Revenons au capitalisme. Il est peu de secteurs d'activités pourtant
capitalistes sur le papier qui échappent aujourd'hui à la
distorsion immorale de l'état. Comme le disait Frédéric Bastiat, l'état
devient une grande fiction par laquelle tout le monde croit pouvoir
vivre aux dépens de tout le monde. Mais naturellement, si ceux
qui reçoivent de l'état un petit sucre d'orge pouvaient se
rendre compte de ce que cette douceur leur coûte réellement
en taxes, impôts, et opportunités perdues d'améliorer leur
condition, il se révolteraient rapidement contre un tel système.
Aussi les moyens de la coercition de l'état se font furtifs, presque
honteux. Les impôts deviennent indirects, le langage politique les
qualifie d'indolores. TVA, CSG, cotisations patronales... L'état
entretient, par ces moyens, la fiction d'une répartition équitable et
modérée des charges et redistribue à ses clientèles. Les fiscalités
indirectes sont un des outils majeurs de perpétuation de l'immoralité
étatique.
Les grands gagnants nets certains de l'organisation de ce vaste trafic
d'avantages, sont les organisateurs de la distribution, les hauts
fonctionnaires et les grands élus. Mais certains secteurs de l'économie
ont aussi bien su profiter de la maîtrise étatique de pans entier de la
société pour en tirer des avantages considérables.
Votre argent et votre
avenir confisqués au profit d'une clique néo-féodale
Au premier rang d'entre eux, la haute finance est la grande gagnante de
l'instauration d'un système
monétaire prétendument indépendant de l'état, mais en fait
totalement à son service. En convaincant les états de retirer, petit à
petit, tous les éléments qui faisaient de la monnaie et du crédit des
instruments de pur marché, tels que les monnaies-créances sur des
étalons métalliques, et en confiant à des hommes appointés par l'état
le soin de définir les quantités de monnaie irriguant les échanges, par le canal exclusif des banques, les
états ont permis aux grandes banques d'accaparer une part croissante
des profits engendrés par la société dans son ensemble, tout en
favorisant un endettement croissant de tous les acteurs de l'économie,
ménages, entreprises, et bien sûr, les états eux mêmes qui ont pu
joyeusement participer au festin.
Immoralité ultime de l'état, que d'accaparer l'outil essentiel de
l'échange, la monnaie, pour pouvoir vivre
depuis si longtemps au dessus de ses moyens, détruire chaque
année 2 à 3% du PIB en valeur, pour au final endetter les générations
futures à des niveaux insupportables, au risque de devoirs spolier des
millions d'épargnants qui lui ont fait confiance, soit par la
banqueroute, soit par le retour d'inflations incontrôlées.
Moraliser l'étatisme ?
Une impossibilité inhérente à sa nature
L'état veut moraliser le capitalisme ? Mais moraliser le capitalisme,
c'est d'abord et avant tout moraliser l'étatisme. Or cela est
impossible.
Quand bien même nous arriverions par miracle à créer un système de
pouvoirs et contre-pouvoirs tellement efficace que les profits
personnels que les hommes de l'état tirent de leur position seraient
nuls, ou marginaux, il n'en reste pas moins que le fait d'orienter,
fiscalement ou législativement, ou par la monnaie, l'activité
économique, suppose que l'état se substitue à des millions d'actes
individuels pour décider ce qui est bon et ce qui l'est moins. Une
telle rhétorique suppose donc que l'homme de l'état considère les
autres comme incapables de faire bon usage de leur liberté dans les
domaines qu'il a choisi, mais que sa qualité d'homme de l'état lui
confère, subitement, la compétence, la maturité, la sagesse, pour
déterminer de bons choix "collectifs".
L'étatisme est donc, fondamentalement, un ségrégationnisme, un avatar
des concepts prônant la supériorité de certains groupes d'hommes sur
d'autres. L'étatisme est un néo-féodalisme, et lorsqu'il
devient universaliste, hégémonique, paternaliste, il ne demande qu'à
devenir mafieux ou fasciste au fur et à mesure qu'il croît tel un
cancer. L'étatisme ne peut donc, de ce seul fait, prétendre à la moralité.
La séparation du
capitalisme et de l'état, seule voie de la morale
Tant l'histoire que la sociologie sont formelles : l'étatisme est le seul agent infectieux aigu du capitalisme, lequel, sans cela, saurait fort bien, en s'appuyant sur les fondations naturelles de l'éthique libérale, traiter les inévitable comportements individuels inappropriés qui apparaitraient en son sein. Il n'est donc point d'autre moyen pour moraliser le capitalisme, qui a été perverti par l'étatisme, que
d'organiser sa séparation complète d'avec l'état, en cantonnant celui-ci à son rôle de garant de dernier recours contre la violation des
droits fondamentaux et des engagements contractuels. Voilà qui en outre, limitera considérablement le champ d'actions possibles offertes aux tendances immorales de l'état, et donc, contribuera également à le moraliser. Demain, le capitalisme sera
libéral ou sera immoral.
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