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Jan Karski - Yannick Haenel

Publié le 04 octobre 2009 par Jefka
Jan Karski - Yannick Haenel

C'est le récit d'un homme dépossédé dont la vie eût un caractère exceptionnel. Dépossession tout d'abord de son individualité lorsque Jan Karski est informé par deux juifs des atrocités nazies commises dans le ghetto de Varsovie, invité par ces mêmes personnes à constater lui-même l'horreur de la situation afin de devenir le messager du peuple juif auprès des Alliés pour que ceux-ci alertés agissent en conséquence contre l'extermination. Dépossession ensuite quand Jan Karski passe du statut de messager à celui de témoin parce que les Etats-Unis n'ont pas agi pour détruire les camps de la mort bien qu'ils aient été avertis de l'ignominie perpétrée dans le cadre de la solution finale. La scène décrite dans le livre de Yannick Haenel où sont réunis le président Roosevelt et Karski dépasse d'ailleurs l'entendement. Jan Karski, après avoir parcouru clandestinement toute une Europe enserrée dans l'étau nazi, accomplit sa mission en révélant au chef des forces armées américaines ce qui à jamais s'est inscrit dans sa mémoire et qui le tiendra éveillé jusqu'à la fin de ses jours. Roosevelt pourtant ne réagit pas, ne s'insurge pas, pire son attitude se teinte d'une certaine indifférence. Le résistant polonais comprend alors que l'extermination des juifs ira à son terme, qu'il s'agira d'un crime non pas contre l'humanité comme l'ont présenté les Alliés lors du procès de Nuremberg pour se dédouaner de toute passivité devant la Soah, mais d'un crime commis par l'humanité. En effet, dans toute entreprise criminelle s'y trouvent des victimes, des auteurs et les autres. L'inaction pour ces derniers bien qu'ils savent et qu'ils disposent des moyens pour agir n'est qu'un aveu de complicité. La politique a prévalu dans l'attitude américaine alors qu'il en allait de la survie de l'humanité. Les Etats-Unis craignaient qu'Hitler expulse tous les juifs d'Europe et qu'ainsi les Alliés seraient contraints par un flux migratoire sans précédent sur une période aussi courte, avec en ligne de mire une probable installation des migrants en Palestine qui inquiétait les Anglais. Il n'était pas question non plus de vexer le camarade Staline qui avait jété son dévolu sur la Pologne, laquelle serait bien plus docile une fois totalement anéantie. Jan Karski, désespéré par toutes ces considérations géopolitiques, décide de se taire, de condamner cette parole qui n'a pas été écoutée alors qu'il la considérait comme le flambeau destiné à sortir le monde des ténèbres. Le devoir de mémoire heureusement le rattrapera quelques années plus tard et ainsi sa vie retrouvera un sens.

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