La semaine dernière, nous parlions déjà du débat lancé via Le Monde puis France-Inter sur la présence de mouvements et coordination d’associations de jeunesse et d’éducation populaire lors de la table-ronde jeunes-police lancé par B. Hortefeux avec F. Amara, M. Hirsch et X. Darcos.
Après le Cnajep, c’est la Fédération Léo Lagrange qui a réagit dans une Tribune publiée vendredi dans Libération que nous publions ci-après et que vous pouvez retrouver ici
Léo Lagrange se retourne dans sa tombe
Par YVES BLEIN de la Fédération Léo-Lagrange
Amis de l’éducation populaire, réjouissez-vous ! Grâce à la fameuse réunion initiée par le ministre de l’Intérieur sur le thème on ne peut plus médiatique de «la relation entre la jeunesse et les forces de l’ordre», on a parlé de nous dans la presse et même à la radio. Chouette ! Peut-être regretterez-vous l’ironie avec laquelle les mouvements d’éducation populaire ont été cités. Rendez-vous compte, nous ne sommes que des vieux mouvements ringards, sans aucune notoriété, et surtout pas représentatifs de la jeunesse. C’est ça, aussi, d’être nés il y a plus de cinquante ans ! La longévité n’est apparemment pas un gage d’image médiatique positive. Le pauvre Léo Lagrange, créateur du temps libre, se retournerait sans doute dans sa tombe. Mais que dire, à la Fédération Léo-Lagrange (FLL), de nos 3 000 salariés qui proposent au quotidien et dans toute la France des loisirs éducatifs aux enfants, jeunes et familles ? Que dire des jeunes qui fréquentent nos centres d’animation ou des volontaires de notre programme d’éducation citoyenne, Démocratie & Courage ! qui interviennent dans les collèges et les lycées pour lutter contre les discriminations ? Que dire encore de tous ceux qui partent en vacances grâce à notre partenariat avec l’Agence nationale pour les Chèques-Vacances ou de ceux qui passent avec nous leur Bafa, partent en chantier international ou en volontariat européen ? On comprend leur déception. Dans l’imaginaire collectif et médiatique, ils n’existent pas.
Ne soyez donc pas si chagrin ! On parle de nous, c’est déjà formidable ! Souvenez-vous, quand on essaye d’organiser des événements, à quel point il est difficile d’attirer l’attention. Nos assises pour la jeunesse organisées en 2007, n’ont pas fait grand bruit. Des jeunes de toute la France s’étaient pourtant mobilisés pour présenter des propositions d’amélioration de la politique jeunesse (soit dit en passant, la question des relations jeunesse-police n’avait pas été absente de leurs réflexions). Un problème récurrent est pourtant soulevé ici. Pourquoi l’éducation populaire est-elle si méconnue ? Quand on parle de la FLL à une personne «hors réseau», ça ne lui évoque pas grand-chose. A chaque fois, on doit expliquer : notre histoire, notre projet éducatif, mais surtout le concept d’éducation populaire lui-même qui vise à donner les moyens à tous, tout au long de la vie, de s’épanouir et de s’emparer de sa citoyenneté. Cette ambition implique d’intervenir dans beaucoup de champs et de s’adresser à tous les publics. Difficile dans ces conditions d’axer sa communication sur un sujet en particulier ou de tout résumer en une phrase. C’est bien un projet de société que nous portons. Vous regrettez aussi sans doute que nos noms aient été cités dans ce contexte-là. Les critiques qui se sont élevées quant aux méthodes du ministère de l’Intérieur nous ont écorchés au passage ? Dommage collatéral ! Le ministère l’a bien cherché, nous sommes les premiers à en convenir. Et puis les journalistes doivent aller à l’essentiel. Citer la FLL a moins d’impact qu’interviewer des associations plus médiatiques (souvent les mêmes à qui l’on reproche de n’être que ça). En allant à cette réunion, notre ambition n’était pas de représenter «les» jeunes, mais de faire part de notre opinion sur le sujet, forts de notre expérience de terrain. Malgré nos réserves, nous n’allions pas refuser une main tendue. Nous en sommes ressortis déçus. Outre l’angle simpliste qui a été choisi pour aborder la question, la parole ne nous a pas été donnée ! Manque de notoriété sans doute. La présence majoritaire d’associations de banlieues, la vision sécuritaire du ministre et la raison qui l’a amené à organiser cette réunion ont vite limité le débat à la question des jeunes des quartiers populaires, qui plus est avec un certain strabisme parisien.
Beaucoup de bruit pour rien ? Pour la question des relations jeunesse-police, c’est certain. Si les politiques jeunesse s’inspiraient davantage de nos propositions, nous n’en serions peut-être pas là. Espérons au moins que cela permette de faire connaître l’éducation populaire, un concept qui mise avant tout sur le collectif et le progrès social, souvent loin du tumulte médiatique national. Un concept d’avenir dont nous avons bien besoin !