Sarkozy rate son bac "jeune"
Les supporters du président ont loué, évidemment, le discours d'Avignon, prononcé mardi 29 septembre devant une assemblée silencieuse et plutôt âgée. Que lui trouvent-ils ? Les deux annonces phare mises en valeur sont l'extension du RSA aux jeunes travailleurs de moins de 25 ans, et le versement d'une allocation d'autonomie directement aux jeunes (et non plus à leurs familles). La première mesure est modeste, car assortie de conditions qui excluent l'immense majorité des 4 millions de moins de 25 ans. Il faudra justifier 2 années de travail sur 3 pour être éligible à un RSA de 450 euros par mois... A peine 160 000 personnes sont concernées. Bel effort ! La seconde mesure est tout aussi symbolique: effrayé à l'idée d'être suspecté par son camp de favoriser l'assistanat, Sarkozy a simplement proposé une "expérimentation" sur quelques 8 000 jeunes, en leur allouant une dotation d'autonomie de 3 000 euros par an sur deux ans, une allocation de l'Etat. Au global, Sarkozy a insisté respect et responsabilisation de la jeunesse pour mieux masquer ses efforts ridicules: petit livret d'orientation pour les lycéens, suivi des "décrocheurs" qui quittent l'école avant 16 ans, interdiction de stages hors cursus, etc. Et comme il faut masquer l'envolée des statistiques du chômage, quelques idées sont les bienvenues, comme l'allongement de la durée de cursus universitaire (à 10 mois), ou le service civique pour 10 000 jeunes de 18 à 25 ans. Face aux jeunes, Sarkozy a tenté, l'espace de quelques heures dans une ville de province bouclée par la police, de faire oublié ses lois anti-cagoule, anti-bandes, anti-récidive et autres "kärchers" législatifs de circonstance.
Les mauvais déficits
La véritable rupture est budgétaire : grâce à Nicolas Sarkozy, l'incompétence gestionnaire a changé de camp. L'équation budgétaire est en effet impossible à tenir, sauf à remettre à plat la fiscalité et les priorités d'action des administrations publiques. Le déficit est présenté à quelques 116 milliards d'euros l'an prochain, pour 287 milliards de dépenses. En 2009, il représentait la moitié des dépenses de l'Etat. Pour faire bonne figure, Fillon prévoit de faire voter l'an prochain un plan de rigueur pluri-annuel. Demain, on rase gratis ! le gouvernement est prisonnier d'une"idéologie fiscale" qui dévoile toute son inefficacité.
Le maintien coûte que coûte du bouclier fiscal est symbolique mais révélateur. Il n'y aura pas de "Grenelle de la fiscalité" en Sarkofrance ! On ne remettra pas non plus en cause les niches fiscales. Les gouvernement s'abrite derrière quelques artifices symboliques, agités comme des hochets de bonne gestion: le non-remplacement d'un fonctionnaire retraité sur deux coutera encore 35 000 postes à la Fonction Publique l'an prochain, dont 16 000 pour l'Education Nationale. Eric Woerth est discret sur l'économie générée, à peine 500 millions d'euros par an. Autre symbole "droitiste", la taxation des indemnités versées aux accidentés du travail, une goutte d'eau, injuste de surcroît, pour soigner les finances publiques. La défiscalisation des heures supplémentaires, une mesure inefficace avant la crise et anachronique pendant la récession, coûte toujours 4 à 5 milliards d'euros. Depuis 2002, "les deux-tiers des baisses d’impôts de la période, soit 20 milliards d’euros par an sur un total de 30, ont été fléchés vers les plus riches" notait la fondation Terra Nova.
Coté fiscalité, la taxe carbone dévoile son injustice : seule une fraction de son coût sera remboursée dès février aux ménages, et de surcroit de façon forfaitaire pour tous: 46 euros par adulte en zone urbaine et 61 euros en zone rurale, plus 10 euros par enfant. Le gouvernement ne prévoit aucune progressivité en fonction des revenus des ménages, alors qu'on sait bien que l'énergie (pour le transport et le chauffage) pèse plus lourd chez les ménages modestes.
Pour la Sécurité Sociale, la question de soumettre à cotisations sociales (hors CSG) les dizaines de milliards d'euros annuels de revenus de placements financiers n'est même pas abordée.
En 2010, la France empruntera 150 milliards d'euros pour faire face à ses échéances, et sans compter le "Grand Emprunt", l'idée estivale d'un Monarque en panne de contre-feux médiatiques. Le plus surprenant est que cette dérive des comptes publics ne s'est accompagnée d'aucune mesure sociale d'envergure. Les pauvres restent pauvres, les précaires restent précaires. Tout juste, certains reçoivent ils quelques aumônes sociales de circonstance.
On nous explique que tout cela est normal, logique, inévitable et pragmatique. Les entreprises seraient soutenues, grâce à la suppression de la taxe professionnelle (12 milliards d'euros). Les ménages, eux, gagneront une taxe carbone, un maigre RSA et quelques prêts à taux zéro pour s'acheter un logement neuf. On rappelera au passage que l'Etat s'est privé d'une dizaine de milliards d'euros de plus-values: en prêtant 10 milliards d'euros aux banques françaises en novembre dernier, il a soigneusement omis de prendre quelques parts dans le capital de ces banques exsangues. Tout juste avait-il obtenu, dixit Christine Lagarde, quelques 20 milliards d'euros en actions préférentielles. Oui mais voilà, les banques aidées ont décidé de rembourser par anticipation leurs emprunts de crise. Et l'on découvre que les "experts" de Bercy ont accepté il y a 10 mois de se faire rembourser ces actions préférentielles ... leur prix d'émission, soit les cours de bourse quand ces derniers étaient au plus bas. Le manque à gagner est évalué à près de 12 milliards d'euros pour les seules BNP-Paribas et Société Générale : 10 fois le RSA...
Qui a dit que Sarkozy était compétent ?
Sarkozy se couche à l'étranger
A l'étranger, l'hypocrisie n'a-t-elle pas trop duré ? Depuis 2007, la diplomatie française est incohérente et inefficace, n'en déplaise aux commentateurs dociles de certains journaux français: Sarkozy menace, mais se couche; il crie aux droits de l'homme en Afghanistan, mais il applaudit les putchistes de Guinée. Contre les talibans d’Afghanistan ou le régime iranien, il fustige leur « barbarie », il réhabilite la Libye ou la Syrie, jusqu’à leur promettre un peu de technologie nucléaire. Il y a à peine dix jours, Nicolas Sarkozy s'affichait encore déterminé, provocateur et cinglant contre l'Iran. Le sommet du G20 était interrompu par une conférence de presse de Barack Obama, Gordon Brown et Nicolas Sarkozy. L'Occident venait d'avoir confirmation de l'existence d'une deuxième usine d'enrichissement d'uranium. A l'ONU, lors d'une séance filmée (et largement commentée) du Conseil de Sécurité, Nicolas Sarkozy prend à partie le président américain : « Monsieur le président Obama, je soutiens la main tendue des Américains. Qu’a amené à la communauté internationale ces propositions de dialogue ? Rien." En fait, la France soutenait depuis des semaines les négociations américaines avec l'Iran.
Mercredi, l'hebdomadaire Bakchich révèle en effet que la France s'est rangée à une proposition américaine redoutable, acceptée jeudi par l'Iran : l'uranium iranien sera transféré et enrichi en France, pour retourner ensuite à Téhéran. Qui reste dupe des rodomontades du Monarque de l'Elysée ?
En Guinée, la France a été prise à revers. Nous reprochions l'attitude conciliante de Sarkozy et son émissaire Alain Joyandet vis-à-vis des putchistes de Guinée. Leur chef, le capitaine Moussa Dadis Camara, avait promis en janvier aux Français qu'il ne se présenterait pas à l'élection présidentielle d'ici la fin de l'année. Les Etats-Unis dénoncèrent le putsch immédiatement, et suspendirent leurs aides (excepté le soutien humanitaire). Alain Joyandet se rend en Guinée dès le 3 janvier. Le secrétaire d'Etat promet 3 millions d'euros pour organiser des élections rapidement et revient "rassuré". Début août, Joyandet retourne en Guinée, et rappelle le message de la Sarkofrance: des élections rapides, et pas de candidature militaire... le docile secrétaire ne s'inquiète pas, publiquement, d'un éventuel changement de cap au sein du pouvoir guinéen. Lundi dernier, 167 opposants ont été tués par les forces gouvernementales dans un stade de Conakry. L'opposition organisait une manifestation. Cette boucherie gêne la France. Le secrétaire d'Etat à la Coopération est resté étrangement silencieux. Sur son blog, il parle relance, taxe professionnelle et "France Volontaires". Courage, fuyons ! Mercredi, Bernard Kouchner a informé le monde que la France, comme l'Europe, suspendait son aide militaire. Françafrique, France aveugle ?
Ami sarkozyste, où es-tu ?