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Elle y pense, c'est tout

Publié le 03 octobre 2009 par Didier54 @Partages
Elle y pense, c'est toutUne silhouette aperçue dans l'immense et puis les mots qui coulent. Voilà ma dernière création. Dans la série histoires courtes.
Elle attend le car. Cigarette au doigt. Elle a dans les 80 ans. C'est vendredi. Beaucoup de voitures. Quelques piétons. Elle attend contre un mur. Ca fait drôle, une mamy qui clope, c'est presque incongru. On ne voit plus ces images-là.Elle attend le car dans ce coin de la ville. Elle semble ici et ailleurs. Personne ne sait qu'elle eut naguère une aventure singulière. Un destin. Visiblement, tout le monde s'en fiche. Cette aventure, elle l'a cachée, parce qu'il est des histoires qui restent en soi et c'est tout. Maurice n'aurait pas aimé. Le silence est resté. Même quand Maurice est parti. Elle y pense, c'est tout.
Elle attend le car comme elle attendait Christian, à l'époque. Comme lui l'attendait. Avec sa cigarette. Leur secret. Bien gardé. Un coffre fort. Elle le fume à chaque cigarette. Elle s'en fout du tabac. Ils vivaient une seconde vie qui valait bien souvent la première.
Sur ce petit parking, ils se retrouvaient.
Elle attend le car et elle sourit. Christian passait ses journées sur ce parking en périphérie. Sa femme croyait qu'il était commercial dans une importante société. Elle le croyait comme on croit nos entourages. On n'a aucune raison de ne pas croire.
Lui restait au volant, moteur éteint. C'était tout lui. C'était sa vie. Prêt à partir. Toujours en train de rester. Elle, à l'époque, n'attendait pas le car et n'avait ni cheveux blancs, ni cigarette au doigt. Elle faisait les ménages dans les entreprises du plateau. Elle connaissait peu les plaisirs de la chair. Elle pensait n'en avoir pas le talent. Ni le physique. Elle avait découvert ce petit parking par hasard, un jour de périgrination. Elle repéra bien sûr cette voiture bleue qui était toujours là. Avant qu'elle n'arrive. Après qu'elle soit partie. Elle mangeait son sandwich et repartait.Ils mirent longtemps avant de s'adresser la parole. Elle eut peur quand il vint frapper à sa portière. Elle descendit prudemment la fenêtre. Il eut un sourire.
- Vous savez, madame, je n'ai pas l'habitude de parler avec des gens. Mais si vous voulez de ma compagnie, je vous l'offre avec plaisirElle ne sut que dire. Elle attendit que son coeur batte un peu moins fort. Elle en profita pour trouver des mots. Ils arrivèrent.
- Vous savez monsieur, je n'ai pas l'habitude que l'on m'offre quoi que ce soit, surtout de nos jours. Je viens seulement ici de temps en temps, c'est ma pause. J'aime venir sous ces saules.- Mais nous sommes sous un châtaigner, madame. Moi, je viens tous les jours. C'est un peu mon bureau, ici. J'arrive vers 9 h et je repars vers 19 h, parfois je ne repars pas. C'est pratique. Je ne repars pas, je n'ai pas à revenir. Je suis déjà là. - Ce n'est pas très important, monsieur. C'est l'arbre qui compte. Saule, châtaigner : avez-vous avez remarqué ? Les arbres, ils nous comprennent, toujours.- Oui, et parfois ils nous abritent.Ils continuèrent à se donner du madame et du monsieur. Ils avaient établi une sorte de réglement. Un jour dans sa voiture, un jour dans la sienne. C'est lui qui l'initia à la cigarette.Vous comprenez, madame, fumer, pour moi, c'est un peu comme avoir une compagnie. Des fois, la fumée, elle fait comme des dessins dans la voiture. Il eut un clin d'oeil. J'ai des habits dans le coffre. Ma femme pense que je ne fume pas. J'ai aussi une autre voiture.

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