A celles et ceux qu’il m’arrive de croiser et qui, parfois, doutent de l’existence, se désespèrent de ce monde terriblement imparfait (c’est peu de le dire), aspirent au paradis avant même d’avoir goûté à l’enfer, se plaignent de ne comprendre rien à rien (qui le peut ?), enragent de ne jamais entrevoir la possibilité d’une escale (…), j’offre, sans autre espoir que de les voir danser, cet extrait de « Coma » de Pierre Guyotat : «
Après la clinique, c'est l'entrée dans la dépression douce, la guérison lente : la récompense de cette traversée de la mort, c'est, au lieu du palais enchanté que l'on croit avoir gagné à la sueur de son sang mort, un monde désenchanté, sans relief ni couleur notables, des regards ternes qui ne vous voient plus, des voix toujours adressées à d'autres que vous qui revenez de trop loin, une obligation quotidienne à survivre, un cœur qui ne fait passer que du sang, et du sang qui ne chauffe plus. Il faut attendre. Sans colère. S'appliquer à se nourrir, à dormir, à se laver, à se vêtir, à marcher, chaque jour : le tout, presque seul, et sans même soi-même à ses côtés : essayer par à-coups, si gauches, de reprendre du cœur. Patience, patience,
»