Quelque part en 1990, lorsque j’ai vu le film La Discrète et que j’ai eu mon premier “kick” sur Fabrice Luchini, rien n’aurait pu me faire croire que presque 20 ans plus tard, je l’applaudirais à me brûler les mains pendant qu’il se dandinerait comme un déchaîné à 2-3 pieds de moi, en dansant sur Ring My Bell (LE classique d’Anita Ward). Même si c’est surtout, beaucoup, un spectacle littéraire, Le point sur Robert, c’est aussi Ring My Bell et c’est ce qui en fait un spectacle génial!
Je préfère vous prévenir, l’objectivité est à ranger au 2e sous-sol quand il est question de Fabrice Luchini, je l’a-d-o-r-e. La fascination qu’il a pour la langue française, sa maîtrise du verbe et son talent pour la citation bien placée m’ont toujours charmé au plus haut point. Sachant ça, imaginez-moi au Grand Théâtre, rangée BB, avec un Fabrice Luchini en feu qui joue de la glotte sur scène pendant près de 2 heures 30 sans entracte!
Le point sur Robert se veut tout d’abord un hommage à certains grands auteurs et à leurs textes : Paul Valéry, Charles Beaudelaire, Roland Barthes, Arthur Rimbaud et j’en passe. En fait ces textes servent de prétextes, de liens, pour nous entretenir sur des tranches de la vie de Robert, vrai prénom de Luchini. La soirée alternait entre la lecture d’extraits (malgré que Luchini avait rarement besoin de poser les yeux sur son livre) dans un silence religieux où l’on aurait même entendu voler “ce parasite ailé, que nous avons mouche appelé” (dixit Lafontaine!), et des scènes suréalistes lors desquelles Luchini racontait, moult gestes et mimiques à l’appui, ses mésaventures.
Fréquemment interrompu par ses imitations de Johnny Hallyday, il fallait le voir, et surtout l’entendre, nous décrire le flop de la première représentation de Perceval le Gallois d’Eric Rohmer, son premier film. (simplement pour que vous puissiez avoir un infime aperçu du type de discours hilarant que ça peut inspirer, voici un extrait du film en question). Il enchaîne en nous parlant de toute l’admiration qu’il a pour Roland Barthes, et nous explique en détails comment il a finalement réussi à le rencontrer. Le public, moi la première, gobe tout ce qu’il nous balance et on en redemande, peu importe qu’il cite Nietzsche ou qu’il nous nous demande de crier “Assis-toi sur ma bite et causons”.
L’acteur aime le Québec et ne se prive pas pour le répéter. Il commence à connaître nos travers et utilise même la rivalité Montréal/Québec dans son discours (Québec aurait eu un 15 minutes de plus de show que la métropole!), on a eu droit à un simili rappel signé Lafontaine avec Le Corbeau et le Renard (en verlan svp!) et une version hilarante de L’Ours et l’Amateur des Jardins. Une soirée qui valait l’investissement et qui nous donne l’impression qu’on va se coucher moins niaiseux. Je l’aime encore plus qu’avant!
Oui, oui, c’est vrai qu’il a une tendance aux postillons assez prononcé et lui-même blague à ce propos. Anyway, ça ne se rendait même pas jusqu’à la rangée BB…