Qu’ils me donnent le secret de leur longévité. Depuis bientôt 25 ans, sans relâche, bruit ni vagues, le groupe américain Yo La Tengo livre des pépites ignorées (du mainstream au moins). Parce que le trio d’Hoboken compte son lot de fidèles, qui pas une fois en douze albums (ou quatorze, ou seize, whatever ?) n’ont été déçus. Quant aux spécialistes, gare à celui qui oserait dire du mal d’Ira Kaplan, Georgia Hubley et James McNew. Irréprochable, le groupe mérite bien son surnom outre-Atlantique de "The quintessential critic’s band". Croisés sur scène et dans le métro barcelonais cette année, ma volonté d’en parler ici a été décuplée. Et ce nouveau disque, important dans leur carrière et au titre si révélateur, a été une parfaite main tendue pour cette chronique. Une déclaration d’amour à un groupe caractérisé par le non tape à l’œil en quelque sorte. Un grand chapeau bas.
"Here to fall", premier morceau populaire donc, sur lequel un Ira en suspension balaye de sa voix un tapis de cordes ultra classe. Déroutant mais habité, discret, parfait. Sa femme Georgia prend le relai sur un deuxième titre aux allures Velvetiennes, influence dont ne se sépare pas le groupe, même au fil du temps. Mais YLT on sait ce que c’est, de la cohérence mais aussi et surtout de l’hétéroclisme. Comme on dit, tout ressemble à Yo La Tengo, et Yo La Tengo ne ressemble à rien. Egalement spécialistes des reprises (de bon goût bien-sûr), ils ont déjà tout fait. Et ce en constant parallèle avec un groupe ayant récolté un plus large succès public, j’ai nommé Sonic Youth, l’arbre qui cache la forêt. Une musique si variée qu’elle n’a même pas besoin de se renouveler en somme.
Du coup on peut facilement enchaîner sur un hymne de fuzz pop. "Nothing to hide" envoie sévère. La pêche! comme on dit. Et puis sans prévenir "Periodically trible or double" déboule façon Stax. Grande classe encore. Un refus de la simplicité, des breaks, des solos, un morceau qui prend son temps. Que dire de plus ? Et on enchaîne dans le même esprit, Motown cette fois-ci, avec les deux voix en fusion tranquille, laissant l’orgue Hammond B3 et les violons faire le travail sur "If it’s true". On est au milieu du disque et jamais la qualité ne redescend. "I’m on my way" et l’on croit entendre à nouveau Jimmy Webb. Deux ballades pop plus loin, "More stars than there are in heaven" arrive et traîne dans le noisy neuf minutes Durant. En apesanteur. Et ne faisant rien comme tout le monde, le trio (toujours originel) termine son opus par deux instrumentaux épiques atteignant les 27 minutes. "The fireside", tout de cordes grattées à l’infini dans un désert aérien, et "And the glitter is gone", magma intransigeant survolté et saturé.
En bref : la force tranquille du rock indé revient en toute discrétion livrer 12 chansons populaires. 12 véritables moments de musique qui portent bien leur âge. Ne pas en parler serait un pêché.
Le site officiel et le Myspace
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"Here to fall" et "Periodically trible or double" :